REVUE DES MEDIAS AUDIOVISUELS DU VENDREDI 20 AVRIL 2012

20 avr 2012

REVUE DES MEDIAS AUDIOVISUELS DU VENDREDI 20 AVRIL 2012

Rfi- Edition 06H30

█ La troisième tribune, hier, du Groupement des éditeurs de presse de Côte d'Ivoire. L'invité cette année, le ministre de l'Intérieur Hamed Bakayoko. Il s'est exprimé sur le thème suivant « les défis de la sécurité et les enjeux de la nouvelle politique de décentralisation ». Reportage de Stanislas Ndayishimiyé.

Stanislas Ndayishimiyé : Conférencier de cette matinée de jeudi, le ministre ivoirien de l'Intérieur a fait le point sur la situation sécuritaire dans le pays un an après la fin de la crise postélectorale.

Hamed Bakayoko : la situation sécuritaire s'est améliorée. Il y a encore des poches qui persistent. La semaine dernière, nous avons eu 14 braquages, ça fait une moyenne de 02 par jour. Et nous venons d'une période où on avait une douzaine par jour.

Stanislas Ndayishimiyé : Les commissariats et les préfectures de polices détruits ou pillés, il y a un an ont été réhabilités. Mais la police est encore sous équipée en véhicules et autres matériels. Le ministre de l'Intérieur a réaffirmé la volonté du gouvernement de poursuivre l'effort pour mieux équiper les policiers. Il compte sur l'aide internationale, notamment la coopération avec la France et l'ONU à travers l'ONUCI. Les problèmes de racket persistent malgré une nette diminution, dit Hamed Bakayoko. Le ministre d'Etat et numéro 2 du gouvernement a réaffirmé sa détermination de voir émerger en Côte d'Ivoire un policier nouveau moins enclin à racketter les citoyens, mais soucieux de faire respecter la loi. Un an après la crise postélectorale, il y a encore des armes en circulation en Côte d'Ivoire. Et le pouvoir doit résoudre aussi un autre problème qui s'est accentué ; celui des coupeurs de route.

Stanislas Ndayishimiyé, Abidjan Rfi

█ Ce témoignage unique sur la crise ivoirienne, à Abidjan, Ibrahim Sy Savané publie un livre intitulé « D'espérance et de douleurs vives ». Pendant trois ans, de 2007 à 2010, cet ancien journaliste a été le ministre de la Communication dans un gouvernement de combat où cohabitaient Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. Il raconte le conflit de l'intérieur et c'est édifiant. De passage à Paris, Ibrahim Sy Savané répond aux questions de Christophe Bouabouvier.

Rfi : Ibrahim Sy Savané bonjour.

Ibrahim Sy Savané : Bonjour.

Rfi : Vous racontez très bien cette longue partie de poker menteur entre deux hommes extrêmement rusés ; Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. A la fin comme on le sait, c'est Soro qui gagne. Est-ce parce qu'il était encore plus rusé que son adversaire ?

Ibrahim Sy Savané : Je crois qu'il y a d'abord les circonstances et il y a, en effet, aussi sa capacité à lire les situations, à anticiper.

Rfi : Alors, vous faites de Laurent Gbagbo, un portrait passionnant. Vous racontez ce jour où il a dit de lui-même, j'ai trois niveaux de langage. Je peux avoir le langage châtié du latiniste que je suis. Je peux aussi utiliser le langage intermédiaire que tout le monde comprend. Mais si on me cherche je peux aller dans les échanges terre-à-terre.

Ibrahim Sy Savané : Je pense effectivement qu'il a une personnalité complexe. Sous certains aspects, il peut être extrêmement humain, extrêmement charmant même, je dirai...

Rfi : Notamment avec vous, il vous aimait bien.

Ibrahim Sy Savané : Oui. En tout cas, il disait qu'il m'aimait bien. Ça m'étonnait d'ailleurs toujours. Mais je pense qu'il était sincère. Mais je crois effectivement qu'il a une personnalité complexe. Et c'est lui-même qui a dit qu'il avait trois niveaux de langage. Moi j'ai estimé que si le langage résume l'homme, en effet, il y a effectivement plusieurs Gbagbo.

Rfi : Vous dites que l'ancien président a inspiré de nombreux « Gbagbologue ». Et vous posez la question des rapports de Gbagbo à la violence et aux escadrons de la mort. Vous dites, « il suffisait qu'il pousse quelques coups de colère contre quelqu'un pour que mort s'en suive »

Ibrahim Sy Savané : Un jour, il y a un de ses compagnons de longue date, de ses compagnons de route qui effectivement me disait, « vous savez, celui que vous voyez n'est pas celui que vous croyez connaître ». Effectivement, il ne donnera jamais d'ordre très clair. Mais il suffit effectivement qu'il donne quelques coups de gueule contre quelqu'un pour que cette personne se trouve en difficulté.

Rfi : Et vous dites que cette dureté tenait peut être au fait qu'il s'était fabriqué lui-même à la dure.

Ibrahim Sy Savané : Je ne veux pas faire de psychologie de Bazar mais effectivement, je pense qu'une des clés du personnage se trouve dans son enfance, dans les difficultés qu'il a pu rencontrer dans la confrontation avec la vie. J'ai toujours perçu en tout cas chez lui, une certaine capacité à se forger un destin. Et même s'il savait que la partie était très très difficile, il a pensé qu'il pouvait s'inscrire dans ses espaces interstitielles que laisse l'histoire aux gens audacieux. Je pense que c'est ce qu'il a tenté effectivement.

Rfi : Pendant ce bras de fer depuis trois ans, il y a des trêves. Vous racontez d'ailleurs qu'il y avait des contacts entre les deux camps grâce aux relations amicales entre Nady Bamba, la deuxième épouse de Laurent Gbagbo et Méité Sindou. Ou encore entre Désiré Tagro et vous-même. Mais vous dites qu'au soir du second tour de la présidentielle, ce soir du 28 novembre 2010, tous les ponts se sont coupés.

Ibrahim Sy Savané : Oui effectivement. Je crois qu'à un moment donné, nous sommes rentrés dans une véritable confrontation. Et les relations personnelles ne suffisaient absolument plus. Parce que les enjeux étaient vraiment dramatiques.

Rfi : D'où un dernier coup de fil entre Tagro et vous.

Ibrahim Sy Savané : oui effectivement, le 28 novembre, c'est d'ailleurs notre dernier contact. Il se plaignait des fraudes qui auraient eu au nord et moi je lui disais que d'après mes informations, il n'y avait pas eu de fraude. Et que tout cela était tout à fait normal. Naturellement, lui n'était pas d'accord.

Rfi : Et après ce coup de fil du 28 novembre au soir, Tagro et vous, vous ne vous êtes plus parlé ?

Ibrahim Sy Savané : Non. Plus jamais. Et moi j'ai même essayé de rentrer en contact avec lui. Parce que j'estimais que les relations personnelles devaient demeurer intactes. Mais je n'ai pas pu avoir accès à lui.

Rfi : Cette semaine décisive du 29 novembre au 04 décembre 2010, Gbagbo tente de convaincre Soro de choisir son camp contre celui de Ouattara. On imagine que l'offre était alléchante. Pourquoi Soro n'a pas cédé ?

Ibrahim Sy Savané : Je pense d'abord par conviction. Je pense aussi qu'ayant lu la situation, il savait très bien que cette dynamique là ne pouvait aller qu'en faveur d'une victoire de Ouattara. Et cette victoire a quand même été nette.

Rfi : Et vous citez Soro vous disant « J'ai accepté d'être le 1er ministre d'Alassane car sinon Gbagbo le tuera puis il nous tuera tous après. »

Ibrahim Sy Savané : Il m'a effectivement dit « si je ne prends pas les choses en main, ça va être extrêmement difficile. Je suis convaincu que la vie d'Alassane Ouattara est en danger et par la suite la vie à chacun de nous. »

Rfi : Ibrahim Sy Savané merci.