REVUE DES MEDIAS AUDIOVISUELS DU 18 FEVRIER 2011

18 fév 2011

REVUE DES MEDIAS AUDIOVISUELS DU 18 FEVRIER 2011

RFI - Edition de 6 heures 30

█ En Côte d'Ivoire, plus de deux mois après l'élection présidentielle la situation politique est toujours bloquée. Notre invité ce matin est le patron de l'ONUCI, le sud-coréen Y. Jin Choi. Nous allons voir, comment la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire travaille, alors que Laurent Gbagbo a demandé son départ. Y. Jin Choi au micro de notre envoyé spécial à Abidjan, Cyril Bensimon.

Cyril Bensimon : Monsieur Y. Jin Choi bonjour.

Y. Jin Choi : Bonjour RFI.

Cyril Bensimon : Quelle est la mission de l'ONUCI et votre propre mission dans le contexte actuelle ?

Y. Jin Choi : C'est clair, nous avons quatre éléments fondamentaux pour notre rôle. Le premier, c'est la protection des civiles. Le deuxième, c'est la protection de l'hôtel du Golf. Sans notre protection, il pourrait y avoir la division du pays. Puisque l'équipe du président Ouattara pourrait être obligée d'aller à Bouaké et cela signifierait la division du pays et probablement la guerre civile. Notre troisième rôle, c'est la certification. C'est-à-dire que nous continuerons de dire au peuple et au monde la vérité sur les élections. Et le quatrième, c'est de faire des analyses et des prévisions pour le futur.

Cyril Bensimon : Alors, sur votre première mission, il y a la protection des civiles. D'après les propres bilans que vous donnez, il y a eu près de 300 morts depuis la mi-décembre. Est-ce que vous n'avez pas l'impression d'avoir échoué dans cette protection des populations civiles ivoiriennes ?

Y. Jin Choi : Nous avons le mandat de protection des civiles. Mais on lit trop souvent que la 1ère responsabilité de protection des civiles incombe à l'ONUCI. C'est plutôt à l'autorité actuelle du pays. Il y a des cas où on pourrait être plus robuste, plus déterminé. Mais dans la plupart des cas, je crois, nous avons assumé notre responsabilité dans la mesure où supposons que nous sommes bloqués par des forces spéciales qui sont déterminées à faire nous la guerre. Est-ce qu'il nous est permis de leur faire la guerre pour forcer le passage ? Ou vaut-il mieux négocier avec eux et les avertir qu'on va revenir ? C'était le cas, lorsque nous avons voulu aller visiter le site de supposés charniers à Anyama et à N'dotré. J'étais là. On était bloqué par les forces spéciales, ils m'ont visé directement. Et j'avais le choix entre leur faire la guerre pour forcer ma visite ou avertir qu'ils ont tort de nous bloquer.

Cyril Bensimon : Alors vous devez recevoir bientôt 2.000 casques bleus supplémentaires. Quand vont-ils arriver ?

Y. Jin Choi : Nous en avons déjà le tiers. C'est-à-dire un bataillon. Nous avons déjà identifié l'autre bataillon. Et le troisième tiers, nous cherchons encore des contributeurs de troupes possibles.

Cyril Bensimon : D'où viennent les deux premiers bataillons ?

Y. Jin Choi : Dans les pays voisins africains qui sont très robustes.

Cyril Bensimon : Est-ce que vous avez l'impression d'être entré dans une logique de guerre froide avec le régime de Laurent Gbagbo ?

Y. Jin Choi : Nous sommes déjà dans la guerre froide. Mais avec des limites. On est d'accord qu'il n'est pas dans notre intérêt de transformer cette guerre froide en guerre chaude. Mais le plus important, c'est la guerre des nerfs pour gagner le cœur du peuple. Qui va décider d'ici à quelques semaines ou quelques mois.

Cyril Bensimon : Vous pensez que les sanctions économiques notamment pourront avoir un effet sur le régime de Laurent Gbagbo ?

Y. Jin Choi : Nous avons des indications. Partout c'est des pénuries de gaz, de pétrole. Le peuple Abidjanais en souffre déjà. Mais ça va s'intensifier. Donc il est évident que ça va influencer de manière décisive le cours de l'évolution politique en Côte d'Ivoire.

Cyril Bensimon : Est-ce que vous avez toujours des contacts avec Laurent Gbagbo ?

Y. Jin Choi : Nous maintenons des contacts sur le plan sécuritaire et humanitaire avec le camp Gbagbo. Mais ils ne sont pas très motivés d'être en contact avec nous.

Cyril Bensimon : Alors, l'une des demandes ces dernières semaines du camp de Laurent Gbagbo, c'est un recomptage des voix. Tout simplement, pourquoi ne pas le faire si cela peut permettre de débloquer la situation ?

Y. Jin Choi : Comme le résultat est irréfutable, à quoi ça sert de recompter. On fait le recompte quand la marge est trop étroite ou s'il y a des doutes. Mais il n'y a pas de doute cette fois-ci. La marge est assez large et irréfutable. Si on n'accepte pas le 1er comptage, quelle garantie avons-nous qu'on acceptera le résultat du 2ème comptage ? Ensuite un 3ème comptage. Non ce n'est pas une idée qui me parait valable.

Cyril Bensimon : Il y a déjà eu sept missions diplomatiques qui sont venues en Côte d'Ivoire. Dans les jours qui viennent, une nouvelle mission va venir avec cinq chefs d'Etat africain. Qu'est ce que vous attendez ? Est-ce que vous pensez que cette mission a une chance d'aboutir ?

Y. Jin Choi : Mon mandat, c'est d'appuyer les experts et le panel qui viennent ici dans leurs missions. Ceci dit, il faut bien savoir pourquoi les six ou sept dernières missions n'ont pas produit de résultats positifs et clairs ? Puisqu'il y a très peu de points communs entre les deux protagonistes. Est-ce que cela a changé ? Est-ce que le panel de haut niveau de l'Union Africaine pourrait avoir l'influence nécessaire pour changer les données ? Le résultat dépend de ces deux éléments.

Cyril Bensimon : Monsieur Y. Jin Choi merci beaucoup.

█ Depuis le début de la semaine donc, ce sont cinq banques internationales françaises et américaines notamment qui ont suspendu leurs activités en Côte d'Ivoire. Face à ces fermetures en série, le gouvernement de Laurent Gbagbo prend le contrôle de certaines de ces enseignes visées en particulier, la Sgbci filiale ivoirienne de la Société générale et la Bicici filiale de BNP Paribas. A l'origine de ces fermetures, la rupture en janvier entre Abidjan et la BCEAO qui ne reconnaît que la signature d'Alassane Ouattara. Depuis, le gouvernement Gbagbo est privé du robinet à franc CFA. Il doit payer cependant les fonctionnaires et les militaires dont la fidélité lui est vitale. Les banques ferment, les prix montent l'économie est bloquée et la crise politique prend une tournure sociale. Reportage à Abidjan, Cyril Bensimon.

Cyril Bensimon : Pas de pénurie sur les marchés d'Abidjan mais le prix des produits de premières nécessités montent en flèche comme le raconte Thérèse, vendeuse d'alloco à Treichville.

Thérèse : La viande, le kilo, avant on payait ça à 1.500. Mais maintenant à 2.500, 3.000. Bon, l'huile aussi, avant, on payait à 700. Aujourd'hui, on paie ça à 1.100 francs. C'est cher pour nous qui vendons surtout l'alloco. Avant, je faisais ça sur le gaz. Mais maintenant, je n'arrive plus à faire sur le gaz parce que le gaz est cher pour moi. Le gaz est à 10.000 francs. Donc c'est sur le charbon que je fais.

Cyril Bensimon : Et là vous arrivez à gagner votre vie en ce moment ?

Thérèse : Pas tout à fait. Bon avant, je peux gagner 8.000, 7.000 par jour. Bon aujourd'hui, je n'arrive plus à gagner même 5.000. Nous souffrons, on pleure.

Cyril Bensimon : Stéphane, lui, travaille pour une petite société exportatrice de produits tropicaux. Pour lui, l'absence des bateaux européens du port d'Abidjan est une catastrophe.

Stéphane : Nous avons fait beaucoup de pertes. A l'intérieur du pays, les camions ne peuvent pas arriver à cause du blocus et ce que nous avons pu amener, malheureusement aussi les bateaux n'arrivent pas. On a des problèmes et tout cela est dans la cour de l'entreprise et ça nous cause pas mal de problèmes sincèrement.

Cyril Bensimon : Combien vous perdez là chaque semaine ?

Stéphane : Deux à trois millions par là comme ça.

Cyril Bensimon : Conséquence de cette chute d'activité, cette entreprise comme beaucoup d'autres, a mis au chômage technique nombre de ses employés. La crise postélectorale a déjà sérieusement perturbé le secteur financier. La grande inconnue est maintenant de savoir quel camp politique tirera bénéfice de la crise sociale qui pointe à l'horizon. Claude Verlon, Cyril Bensimon, Abidjan RFI.