REVUE DE PRESSE INTERNATIONALE DU MARDI 19 AVRIL 2011

19 avr 2011

REVUE DE PRESSE INTERNATIONALE DU MARDI 19 AVRIL 2011

La FAO aide des familles rurales en Côte d'Ivoire et au Liberia
AFP -
L'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a annoncé lundi le début d'une opération d'aide à plus de 10.000 familles rurales en Côte d'Ivoire et au Liberia voisin pour sauver la saison des semis qui est sur le point de débuter. "Avec le retour timide du calme en Côte d'Ivoire qui succède à plusieurs
mois de violence politique, une course contre la montre s'est engagée pour
sauver la saison des semis de riz et de maïs qui débute avec les premières
pluies dans l'ouest et le nord du pays", indique l'agence spécialisée de l'ONU
dans un communiqué. En dépit des problèmes de sécurité qui subsistent, "la FAO vient de lancer une opération de distribution de semences, d'engrais et d'outils agricoles à quelque 12.000 familles rurales en Côte d'Ivoire et au Liberia", ajoute
l'agence qui précise que cette opération vise "les villages qui abritent des réfugiés et des personnes déplacées". A New York, les Nations unies ont lancé jeudi un appel pour collecter plus de 300 millions de dollars afin d'assurer une aide à la Côte d'Ivoire et au Liberia où plus de 130.000 Ivoiriens ont trouvé refuge. "En distribuant semences, engrais et outils, la FAO espère que l'assistance aux réfugiés et aux familles qui les ont accueillis préviendra de futures tensions tout en réduisant le fardeau de la lutte quotidienne pour se nourrir", précise pour sa part l'agence basée à Rome. "Il n'y aura pas assez de nourriture car il y a moins de provisions que
d'habitude pour couvrir la période de soudure jusqu'à la prochaine récolte", a
indiqué Luc Genot, qui coordonne l'aide d'urgence de la FAO en Côte d'Ivoire. La menace qui pèse à présent succède à la perte d'une grande partie de la
récolte qui s'est achevée en janvier dernier. Les familles rurales ont soit été prises de court et ont pris la fuite sans avoir pu récolter, soit vendu leurs récoltes à bas prix dans la précipitation du départ afin d'avoir un peu d'argent liquide pour couvrir les frais de voyage, rappelle la FAO.

Licorne rend l'aéroport d'Abidjan aux autorités ivoiriennes
L'Express
- Les forces françaises de l`opération Licorne en Côte d`Ivoire ont remis lundi aux autorités ivoiriennes le contrôle de l`aéroport international d`Abidjan dont elles avaient pris le contrôle le 3 avril, a indiqué Licorne. "Nous avons remis la tour de contrôle aux autorités ivoiriennes. C`est effectif depuis ce matin 9H30" (locales et GMT), a déclaré le porte-parole de l`opération Licorne, le commandant Frédéric Daguillon. La mission de l`ONU en Côte d`Ivoire (Onuci) avait pris le 31 mars le contrôle de l`aéroport Félix Houphouët-Boigny, avant de le laisser le 3 avril aux forces françaises qui assuraient depuis le contrôle aérien. L`Onuci et Licorne maintiennent toutefois une présence pour la sécurité, a-t-on ajouté de même source.
Licorne avait pris le contrôle de l`aéroport afin de faciliter le départ des étrangers pendant les combats qui se déroulaient à Abidjan autour des derniers bastions de l`ex-président Laurent Gbagbo, arrêté le 11 avril dans sa résidence par les Forces républicaines du nouveau chef de l`Etat Alassane Ouattara.

Côte d'Ivoire : fin du couvre-feu sur l`ensemble du territoire AFP - Le couvre-feu imposé depuis le 31 mars en Côte d`Ivoire, à l`arrivée dans Abidjan des troupes du président Alassane Ouattara, a pris fin ce lundi sur tout le territoire, a annoncé la télévision ivoirienne (TCI). "Depuis 06H00 du matin (locales et GMT) le couvre-feu a pris fin. Pas de couvre-feu sur l`ensemble du territoire donc à partir d`aujourd`hui, lundi", a annoncé le présentateur du journal de la TCI. Les combattants pro-Ouattara sont entrés le 31 mars à Abidjan, après quatre jours d`une offensive éclair partie de l`ouest du pays, qui a conduit à l`arrestation le 11 avril de l`ex-président Laurent Gbagbo. Cette levée du couvre-feu s`inscrit dans la normalisation voulue par le nouveau pouvoir, illustrée lundi par une timide reprise du travail des fonctionnaires.

Côte d'Ivoire : Le début d'un retour au calme
France Soir -
Une semaine après l'arrestation de Laurent Gbagbo, les deux camps opposés font des appels conjoints pour un retour au calme. Abidjan devrait dès lundi matin retrouver son agitation naturelle. Les rues, vidées par les combats qui ont ravagé la Côte d'Ivoire ces 5 derniers mois, vont se remplir de nouveau, mais de travailleurs puisque les fonctionnaires sont appelés à reprendre « impérativement » le travail. La rentrée des classes se fera, elle, le 26 avril. La Côte d'Ivoire est donc en train de reprendre une activité normale, une semaine après l'arrestation musclée de Laurent Gbagbo. Et même si Abidjan est encore loin d'une réconciliation franche et pérenne, les deux camps ont donné des signes importants de leur volonté d'en terminer avec les violences. Le camp du président sortant, d'abord, a appelé samedi soir à la concorde. « Nous devons arrêter l'escalade de la violence et de la déchéance », a déclaré Pascal Affi N'Guessan, président du Front populaire ivoirien (FPI), accompagné notamment d'Alcide Djédjé, ex-ministre des Affaires étrangères de Gbagbo. Aké Ngbo, le Premier ministre qui conduisait le gouvernement Gbagbo depuis la crise post-électorale, a annoncé samedi soir la démission de son gouvernement. Il lance un appel à l'apaisement et demande à tous les Ivoiriens de se remette au travail. « Au nom de la paix, arrêtons la guerre », a poursuivi Pascal Affi N'Guessan, appelant aussi à libérer les personnes arrêtées, dont M. Gbagbo, afin qu'il prenne « part à la réconciliation nationale ». 70 proches de Gbagbo ont été libérés [...] Même si les appels sont nombreux pour le calme et l'apaisement, cela n'exclut pas le fait que les compagnons de route du président déchu seront jugés. Jeannot Ahoussou Kouadio, a déclaré dimanche qu'il allait saisir le procureur d'Abidjan pour ouvrir des enquêtes contre les personnes « susceptibles » d'avoir commis des «crimes de sang », « des achats d'armes » ou des « détournements d'argent ».

COTE D'IVOIRE SOUS L'ERE OUATTARA : la vie reprend la main
Le Pays -
Les Ivoiriens retrouvent les plaisirs simples de la vie. Les premiers jours ayant suivi la capture du président sortant Laurent Gbagbo, notamment le vendredi et le dimanche, ont été marqués par une reprise, certes encore lente, des activités en Côte d'Ivoire. Le 18 avril 2011, ce fut le tour des services administratifs de redémarrer, redonnant ainsi à diverses villes ivoiriennes une animation qu'elles avaient perdue depuis le début de la crise postélectorale. Avec la reprise effective des services du transport en commun, il n'y a pas de doute qu'après la pléthore de fidèles remarquée dans les mosquées et les églises, les fonctionnaires et les usagers reprennent le chemin des services publics et privés. N'en déplaise aux nostalgiques des conflits qui se recrutent dans les rangs des deux camps pro-Gbagbo et pro-Ouattara et dont la préoccupation majeure est de faire durer la période de normalisation, pour en tirer le plus de profits possibles. Car la chasse aux sorcières tant redoutée n'aura en réalité pas eu lieu, les règlements de comptes isolés dont le bruit est exagérément propagé par l'effet amplificateur de certains médias étant du reste inhérents à toute fin de guerre interne. Lentement mais sûrement, la vie reprend donc la main en Eburnie, et ni les actes inhumains des extrémistes de tous bords qui rament à contre-courant de son regain de charme, encore moins les difficultés liées à la nature même du contexte n'y pourront rien. [...]

La vie reprend à Abidjan, la presse rêve de renaissance
Le Monde -
Une semaine après la chute de Laurent Gbagbo, la vie a commencé à reprendre timidement à Abidjan. La journée de lundi est cruciale pour le nouveau pouvoir qui avait appelé les fonctionnaires à reprendre "impérativement" le travail ce jour-là. La rentrée des classes est officiellement prévue le 26 avril. Des fonctionnaires, appelés à reprendre le travail dès 7 h 30, ont rejoint leurs bureaux et plusieurs journaux ont refait leur apparition dans les kiosques. Des taxis et quelques bus publics bondés ont également recommencé à circuler dans le quartier du Plateau, le centre de la capitale économique où se trouvent les administrations et le palais présidentiel. Le secteur avait été le théâtre de combats pendant dix jours jusqu'à l'arrestation le 11 avril de M. Gbagbo.

COUPS DE FEU ISOLÉS

Le ministre de la fonction publique, Gnamien Konan, est arrivé vers 9 h 30 devant le ministère des postes et télécommunications, encore fermé, le temps de vérifier la sécurité. "Ça fait quatre mois que la machine d'Etat est à l'arrêt. Je constate qu'ici, au niveau des locaux de la fonction publique, les gens sont en place", a déclaré le ministre, sous le portrait de Laurent Gbagbo, toujours accroché au mur. Mais pour d'autres, le travail n'était pas encore possible. Un fonctionnaire de l'Assemblée nationale a ainsi expliqué avoir vu "un cadavre en décomposition" devant l'entrée du bâtiment. "Et les pillards ont volé tous les ordinateurs, tout fouillé, renversé. Je ne sais pas si on pourra travailler avant deux-trois mois", a-t-il précisé.
Des poches d'insécurité subsistaient à Abidjan et on continuait d'entendre des coups de feu isolés lundi matin. Au port d'Abidjan, un des piliers de l'économie, les navires arrivaient au compte-gouttes, depuis la fin de semaine dernière : deux pétroliers et un méthanier ont accosté. Un porte-conteneurs était attendu mercredi, ce qui devrait permettre la reprise des exportations de cacao, dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial, selon la direction.

LA PRESSE RÊVE D'UNE RENAISSANCE

Côté positif, la presse a reparu à l'issue de près de trois semaines d'interruption. Mais les sites internet de la plupart des titres n'ont pas été actualisés depuis des semaines, offrant une relecture anachronique de près de quatre mois de crise post-électorale. Sur le site internet de Notre Voie, le journal du parti de l'ancien président, on peut encore lire une alerte donnant la victoire de Laurent Gbagbo avec 51,45 % des suffrages exprimés. Le quotidien d'Etat Fraternité-Matin (site internet en maintenance), pro-Gbagbo pendant la crise, intitulait son éditorial "Réconciliation, pardon, paix". Le journal, victime de saccages après la chute de M. Gbagbo, se dit "prêt à prendre une part active dans ce processus de réconciliation pour la reconstruction et le développement dans la paix". Les journaux proches du nouveau pouvoir rêvent eux aussi de renaissance. "La Côte d'Ivoire renaît à la vie", titre dans sa version papier Nord-Sud (site pas actualisé). Pour Le Patriote, "La Côte d'Ivoire renaît avec ADO" (surnom du président Ouattara). C'est "la délivrance" pour Le Mandat. "La Côte d'Ivoire vivra, vivra, vivra !", s'enthousiasme L'Intelligent d'Abidjan, présentant en médaillon les présidents ivoiriens depuis le "Père de la Nation", Félix Houphouët-Boigny, jusqu'à M. Ouattara. Dans son éditorial, le quotidien, qui avait soutenu le nouveau président durant la crise, songe à "cet immense gâchis qu'on aurait pu et dû éviter". "Quel gâchis !" s'exclame aussi L'Inter (indépendant), après près de cinq mois de tourmente post-électorale, marqués par quelque 900 morts dans des violences. Sur la home page de son site, qui est à jour, L'Inter cite en exergue une phrase de Félix Houphouët-Boigny, père de l'indépendance ivoirienne : "Le dialogue est l'arme des forts et non des faibles, c'est l'arme de ceux qui font passer leurs problèmes généraux avant les problèmes particuliers, avant les questions d'amour propre."

Presse ivoirienne : paysage chamboulé après la bataille
AFP -
Les uns pavoisent, les autres se taisent: la presse proche d`Alassane Ouattara fêtait lundi son retour et l`installation du nouveau président ivoirien, quand les quotidiens soutenant l`ex-chef d`Etat Laurent Gbagbo ne pouvaient reparaître, pour cause de pillages ou par peur. L`arrêt de la publication des titres fin mars - en raison des combats dans Abidjan - avait laissé la presse ivoirienne, connue pour ses prises de position partisanes et sa virulence, aussi divisée que le pays : deux camps à
couteaux tirés, et quelques indépendants esseulés. Lundi matin, la presse pro-Ouattara ne boudait pas son plaisir. "Gbagbo est tombé, la Côte d`Ivoire renaît avec ADO", surnom du nouveau président, proclamait en "Une" Le Patriote, quasi-organe du Rassemblement des républicains (RDR) de M. Ouattara "La Côte d`Ivoire renaît à la vie", renchérissait Nord-Sud, saluant "la chute du dictateur" Gbagbo. "Pour l`heure nous nous attelons à la consolidation du nouveau pouvoir", justifie Lanciné Bakayoko, journaliste au sein de ce quotidien. "Mais lorsque tout sera en place dans un contexte démocratique, nous serons très critiques, en surveillant l`action gouvernementale. Nous n`aurons pas un comportement moutonnier", assure-t-il à l`AFP. La presse dite "bleue", pro-Gbagbo, n`est pas encore là pour leur donner la
réplique. Notre Voie, journal du Front populaire ivoirien (FPI) de l`ex-président,
était absent des kiosques. "Nos locaux ont été pillés, saccagés. Il n`y a rien à récupérer", explique le rédacteur en chef Aboulaye Villard Sanogo. "Nous nous attelons à reconstituer nos entreprises, c`est ce qui explique que nous ne pouvons
paraître. Et cela peut durer". A l`heure du nouveau régime, les journalistes de ce quotidien violemment anti-Ouattara vivent dans la crainte de règlements de comptes. "Les journalistes pro-Gbagbo sont tous réfugiés quelque part", ajoute M. Sanogo. La mutation la plus spectaculaire est celle de Fraternité-Matin, quotidien d`Etat et premier journal ivoirien. Dans sa dernière édition d`avant la guerre, il accablait "les rebelles d`Alassane Ouattara". Lundi, "Frat-Mat" faisait sa "Une" sur l`appel à la réconciliation du "président de la République Alassane Ouattara". "Nous exécutons notre mission (...) qui est celle de rendre compte de façon fidèle de la vie quotidienne des Ivoiriens, tout en sachant que le pouvoir en place est notre premier employeur", souligne le rédacteur en chef Abel Doualy. Mais la fin brutale de l`ère Gbagbo a laissé des traces: les principaux responsables préfèrent rester "cachés", par crainte de représailles, confient des journalistes. Pour ceux qui ont choisi de participer à la nouvelle aventure, c`est une chape de plomb qui s`est levée: "il n`y avait plus de critique au sein du journal, le pouvoir nous demandait de faire comme la RTI" (télévision d`Etat), redoutable instrument de propagande, regrette un journaliste. Un autre assure même avoir entendu l`un de ses chefs passer cette consigne : "ne cherchez pas à être intelligents quand on vous demande d`être bêtes!".

Un avocat de Gbagbo demande à Ouattara un "permis de visite" - Roland Dumas et Jacques Vergès se désolidarisent de la démarche de Collard.
AFP -
L`un des cinq avocats saisis par la famille de Laurent Gbagbo, Me Gilbert Collard, a écrit lundi au nouveau président de Côte d`Ivoire, Alassane Ouattara, pour lui demander un "permis de visite" au chef de l`Etat déchu, actuellement en résidence surveillée. "J`ai l`honneur de vous demander, conformément au droit national et international et aux principes qui gouvernent le respect des droits de
l`Homme, de bien vouloir faire délivrer à moi-même ainsi qu`à mes confrères un
permis de visite afin de rencontrer dans des conditions conformes à la loi"
Laurent Gbagbo, écrit Me Collard au nom du "collectif des avocats du président
Gbagbo", dans une lettre dont l`AFP a eu copie. Dans un communiqué, deux des cinq membres de ce collectif, Me Roland Dumas et Me Jacques Vergès, ont toutefois déclaré se "désolidariser" de cette initiative car ils "n`ont pas été consultés par Me Collard". Invoquer la communauté internationale "est une bêtise, une maladresse", a par ailleurs indiqué à l`AFP Me Dumas. Fin décembre, Mes Dumas et Vergès s`étaient rendus à Abidjan pour apporter leur soutien à Laurent Gbagbo.
Une fille du président déchu, Marie-Antoinette Singleton, a saisi la semaine dernière ce collectif d`avocats pour étudier la "légalité" de l`arrestation de ses parents ainsi que celle de l`intervention militaire française en Côte d`Ivoire. Le ministre ivoirien de la Justice, Jeannot Ahoussou Kouadio, a déclaré dimanche qu`il allait demander l`ouverture d`enquêtes contre les membres de l`ancien régime "susceptibles" d`avoir commis des "crimes de sang", "des achats d`armes" ou des "détournements d`argent". M. Gbagbo a été arrêté le 11 avril par les Forces républicaines (FRCI) du
président Ouattara, appuyées par la France et l`ONU après une guerre de dix
jours dans Abidjan et près de cinq mois de crise post-électorale qui ont fait
quelque 900 morts selon les Nations unies. Il refusait de quitter le pouvoir après le second tour de la présidentielle en novembre à l`issue duquel M. Ouattara a été reconnu élu par la commission électorale ivoirienne et la communauté internationale.

La Côte d'Ivoire aurait-elle «réussi» là où le Rwanda a échoué?
Jambonews.net -
De la première, on peut dire que ça été la transition démocratique qui aura tenu le plus de monde en haleine tant elle semblait interminable et sans issue. Parce qu'au niveau symbolique, son succès a une importance capitale pour tout l'avenir politique du continent africain. Du miracle ivoirien post-indépendance, à la crise politique et économique la plus dramatique du début de ce siècle, le chemin a été long et semé d'embûches. Mais au final, les ivoiriens semblent avoir choisi celui du progrès et de la paix – qui tous deux supposent des compromis. Les événements qu'on vient de suivre en Côte d'Ivoire ne marquent pas seulement l'image d'un peuple en désir de démocratie – bien que forcée à coups de canons et interventions des forces militaires françaises – mais ils dévoilent également un appel à l'émancipation, dans la lignée des révolutions populaires arabes, que les ivoiriens suivent également de près. C'est le signe que la jeunesse d'Afrique est « fatiguée » (pour emprunter le jargon ouest-africain) des discours paternalistes, aussi bien de leurs dirigeants que ceux de l'occident sur leur avenir, plus qu'incertain tant le chômage et le clientélisme mine ces Etats. Alassane Ouattara, économiste de profession, sera-t-il répondre à leurs attentes? C'est bien là le challenge, parce que comment un dirigeant, au pouvoir depuis des décennies, peut-il comprendre ce à quoi aspirent ces jeunes amassés dans les périphéries des capitales africaines ? C'est-à-dire que Laurent Gbagbo a même dû faire appel désespérément à un leader des jeunes, le très « patriote » Charles Blé Goudé, pour convaincre ces derniers. Sa mission, qu'était celle d'endoctriner les jeunes pro-Gbagbo à prendre les armes pour défendre leur patrie de l'invasion de la France, sous couvert de la très controversée « communauté internationale », qui soutenait le camp d'Alassane Ouattara, a échoué, marquant davantage la rupture entre les deux protagonistes. C'est sur ces dissensions que le peuple ivoirien va pourtant devoir apprendre à vivre à nouveau ensemble, sous Ouattara. Car Gbagbo ainsi que Simone, son épouse – après des mois – je dirai, au fond, des années de résistance et de ruse ! – ont finalement été vaincus. Le lundi 11 avril 2011, date de leur capture, restera à jamais une date gravée dans les annales. [...]

"Est-ce que l'intervention de l'ONU et communauté internationale en Côte d'Ivoire ont sauvé in extremis ce qui semblait devenir un Rwanda bis?"

L'ONU, bien qu'observant que le pays s'enlise brutalement vers une guerre civile aux conséquences catastrophiques, décide pourtant de retirer ses troupes – laissant la population livrée à elle même, au grande dam des bouchers. Le 06 avril, l'avion présidentiel est abattu. L'APR est pointé du doigt par les Interahamwe, le groupe opposant, celui des extrémistes Hutu. Autant dans l'avancée des premiers vers la capitale rwandaise que dans l'échec des seconds à les arrêter: les deux protagonistes commettent des massacres à grande échelle, sous silence de la communauté internationale. Le pays sombre à une vitesse phénoménale dans le chaos : l'une des guerres les plus sanglantes qu'ai connu le continent africain jusqu'à ce jour. Mon point est le suivant : est-ce que l'intervention de l'ONU et communauté internationale en Côte d'Ivoire ont sauvé in extremis ce qui semblait devenir un Rwanda bis ? Pour ce qui est de la légitimité de l'intervention militaire en Côte d'Ivoire, elle reste à caution. Mais il est vrai qu'il fallait une intervention humanitaire, tant la situation semblait sans issue, avec un Gbagbo terré dans un bunker, refusant d'abandonner ses fonctions – pendant que la population subit les bombes de son armée – de plus en plus affaiblie par les frappes des alliés. On ne pouvait rester sur un statu quo. De plus, les deux camps estimaient que la phase des négociations était résolue. Dès lors, ne pas intervenir, c'était laisser avoir lieu d'autres crimes contre l'humanité – perpétrés par les deux camps ennemis, dont le plus grave à ce jour, et sous constat du Human Rights Watch, semble s'être opéré là où l'on s'y attendait le moins, à savoir dans le cas des vainqueurs. Plus précisément à l'est du pays, à Duékoué : où l'on a dénombré le massacre de centaines de civils, imputés aux forces de Ouattara. Ces actes barbares vont sérieusement écorner sa légitimité. Aussi, les clichés de la capture du couple présidentiel, où des soldats du camp des vainqueurs s'affichent aux côtés des vaincus meurtris et humiliés – ne peut m'empêcher de faire le lien avec le spectacle déshumanisant des soldats d'Abu Graïb par les soldats américains durant la guerre d'Irak. [...]

"L'ivoirien aime la paix"

Comme dit dans l'introduction, ces derniers savent faire preuve de pragmatisme. Ils savent également, sans doute mieux que les rwandais – et c'est là la grande différence – qu'avoir un esprit inflexible ne peut mener à une paix durable. La culture de non-violence et, moins connue: de camaraderie entre différents groupes ethniques, que les ivoiriens cultivent entre eux ont, je suis convaincu, joué un rôle majeure dans la façon dont ils ont appréhendé les conflits internes. En effet, une chose remarquable à propos de la Côte d'Ivoire, en suivant les journaux qui couvraient les événements durant tout ce long cycle de transition politique, jusqu'à la capture de Gbagbo, était la réaction des ivoiriens, lors de micros-trottoirs, qui répondaient le plus souvent par des messages d'un retour à la paix. Allant jusqu'à dire qu'ils ne se souciaient plus de savoir lequel des deux candidats, Gbagbo ou de son rival Ouattara, devait diriger le pays. « L'ivoirien aime la paix », voilà des phrases qu'on entendait à travers nombreux témoignages. Un discours manquant au Rwanda, tant les clivages ethniques font rage. Loin d'idéaliser la culture ouest-africaine, c'est pourtant un appel à l'auto-critique que je lance aux rwandais. Parce que, je le rappelle, la Côte d'Ivoire réunissait tous les ingrédients favorables à une guerre civile des plus meurtrières. [...]