Qui sont les « tanties bagages » de Yamoussoukro ?

13 aoû 2007

Qui sont les « tanties bagages » de Yamoussoukro ?

L'Unité d'Appui aux Volontaires des Nations Unies de l'ONUCI en collaboration avec les Scouts de Côte d'Ivoire et les ONG locales Côte d'Ivoire Nouvelle Génération et Services for Peace ont initié un projet d'éducation à l'endroit des jeunes filles de 8 à 14 ans du marché de Yamoussoukro communément appelé « tanties bagages ».

Du 22 au 24 Mars 2007, la première phase de ce projet consistait à assurer la formation des encadreurs, bénévoles ivoiriens, qui ont été responsables ensuite de l'éducation de ces « tanties bagages ». Le 29 Mars 2007 a été le premier « jour de classe » du premier groupe qui a compté 50 filles parmi les 300 qui ont été recensées au marché de Yamoussoukro.

« Les tanties bagages » sont ces jeunes filles que l'on trouve au marché et qui transportent les paniers des dames qui font leurs courses, ou qui transportent des sacs de riz et des cartons, qui balaient et ramassent les ordures du marché et des magasins. Tout cela pour une modique somme qui varie entre 25 et 200 FCFA par jour !



Ces filles arrivent vers six heures du matin au marché et dès qu'elles voient une personne avec un sac faire des emplettes (la plupart des fois c'est une femme), elles s'approchent en disant « tantie, bagage », ce qui veut dire « tantine donne moi ton sac pour que je le porte pour toi», d'où leur nom « tantie bagage ».
Pour Mr. Rodolphe Kouadio, membre de l'ONG Côte d'Ivoire Nouvelle Génération impliquée dans ce projet, le phénomène des « tanties bagages » a pris de l'ampleur du fait que la crise qui dure depuis bientôt 5 ans dans le pays a aggravé la pauvreté des familles ivoiriennes. Cela pousse certains foyers à envoyer leurs enfants travailler plutôt qu'à l'école. Ainsi depuis 6h du matin jusqu'à 20h du soir, ces enfants sont livrées à elles mêmes. Ce qui est encore plus grave nous dit M. Kouadio c'est que ces enfants n'apprennent pas à la maison comment faire le ménage, la vaisselle ou cuisiner et elles n'apprennent pas à lire et à écrire. Elles passent toutes leurs journées au marché. A la fin de leur carrière de « tanties bagages » qui survient vers l'âge de 14 ans (après cet âge elles n'inspirent plus confiance aux femmes qui font le marché, elles préfèrent les filles plus jeunes pour transporter leurs colis), elles sont complètement perdues et deviennent des proies faciles face aux dangers qui les guettent.


Quant à Mme Mme Koné, enseignante de formation à la retraite, membre de l'ONG Femme et Environnement (FEE) de Yamoussoukro impliquée dans ce projet aussi, elle nous explique que la plupart de ces filles viennent de familles musulmanes, originaires du Nord du pays. En effet, certaines familles musulmanes n'envoient pas leurs filles à l'écoles car elles ont peur que leurs filles soient « gâtées » par ce qu'elles apprennent à l'école et que par la suite les familles ne puissent pas les marier. Mme Koné, elle-même musulmane, a décidé de se battre pour contribuer à changer les mentalités. Pour assurer la réussite du projet, même les chefs religieux musulmans ont été impliqués afin de convaincre les familles du bien fait de l'éducation de base.

Aux cotés de l'Unité d'Appui aux Volontaires de l'ONUCI, des Scouts de Côte d'Ivoire, Côte d'Ivoire Nouvelles Génération et Services for Peace qui constitue la Coordination Nationale des ONG Volontaires et des ONG de Yamoussoukro, FEE (Femmes et Environnement) et Espoirs des Enfants, CORELACS (Coordination des ONG de la Région des Lacs) ont aussi décidé de lutter contre ce phénomène qui est devenu presque banal.

Ainsi, au terme de six mois, le projet pilote a visé 50 jeunes filles qui ont bénéficié de 120 heures de cours d'alphabétisation et de séances d'animation sur des thèmes tels que le VIH/SIDA. Ces cours ont été dispensés par des bénévoles locaux, 3 fois semaines, deux heures par jour de rencontre. Quarante jeunes filles ont été assidues aux classes et bénéficient aujourd'hui de quelques notions d'écriture, de lecture et de calcul alors qu'elles étaient pour la plupart analphabète, et parlant à peine le français. Nous comptons au nombre de 7 filles celles qui pourront intégrer le système scolaire standard dès novembre 2007, de par leurs aptitudes scolaires suffisamment élevées. Elles avaient déjà fréquenté l'école à un moment de leur vie, mais interrompue pour des raisons familiales. Le projet leur a donc permis de renouer avec les bancs de l'école.
Pour financer le projet pilote «tanties bagages», l'Unité d'Appui aux Volontaires de l'ONUCI avait organisé une vente de produits artisanaux venant de Korogho, ville se trouvant au Nord de la Côte d'Ivoire. Cet argent a servi a financer le projet dans son entier, et entre autres à acheter le matériel scolaire nécessaire aux cours tel que ardoise, craie, crayons, cahiers...

L'Unité d'Appui aux Volontaires de l'ONUCI en collaboration avec ses partenaires avec qui elle forme la Coordination Nationale des ONG Volontaires ont en effet pour but ultime de contribuer par leurs projets à la réalisation de quatre des Objectifs du Millénaires pour le Développement à savoir l'Education, la Santé, la Lutte contre la pauvreté et l'Environnement.

Lassila NZEYIMANA
PIO , Yamoussoukro