Interview du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire, Y.J. CHOI à New York

22 jan 2009

Interview du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire, Y.J. CHOI à New York

Abidjan, le 22 Janvier 2009 ... Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Côte d'Ivoire, YJ Choi, qui est à New York pour le renouvellement du mandat de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), a accordé une interview à la Radio des Nations Unies dans laquelle il parle du rôle de la Mission dans le processus de paix et de ses espoirs pour la tenue d'élections pacifiques au cours des prochains mois.

UN RADIO: A ce jour, où en est-on avec le processus de paix en Côte d'Ivoire ? Il semblerait que cela prend du temps pour normaliser la situation.

Y J Choi (Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire) : Comme vous le savez, les avancées sont certes lentes, mais nous ne pouvons pas nier qu'elles sont solides. Nous avons trois objectifs en Côte d'Ivoire : l'identification de la population, le désarmement et les élections. La première étape qui est l'identification, bien que lente, se passe remarquablement bien. Au moment où nous parlons, nous avons 3,5 millions de personnes identifiées. Ce qui représente plus de la moitié des objectifs à atteindre car on estime entre 6 et 7 millions le nombre de personnes à identifier.
Qui aurait pu imaginer il y a un an, qu'on arriverait à ce stade de l'identification ? Alors si les choses continuent de cette manière, dans quelques semaines, le processus d'identification va s'achever. C'est une réussite remarquable dans l'histoire de la Côte d'Ivoire. Le progrès se fait lentement mais solidement.

UN RADIO : Quand vous dites identification, vous parlez des personnes identifiées qui sont ivoiriens?

YJC : Oui. Comme vous le savez, la Côte d'Ivoire, pendant des décennies, a été un pays très riche grâce à l'agriculture, ce qui a favorisé un flux migratoire important des populations des pays voisins vers la Cote d'Ivoire. Avec une économie en baisse, il y a eu une division entre les Ivoiriens d'origine et ceux venus plus tard. C'est ce qu'on a appelé Ivoirité et qui a amené de la peine au sein des populations et un désordre incroyable dans la vie politique ces vingt dernière années.
Maintenant, grâce à la sagesse de tous les protagonistes ivoiriens, avec le soutien de la communauté internationale, cette question sera résolue une fois pour toutes dans les semaines à venir. N'est-ce pas remarquable qu'en Côte d'Ivoire, il ne sera plus question d'Ivoirité, d'exclusion. Tout le monde sera inscrit dans le processus.

UN RADIO : Y-a-t-il des individus identifiés comme non-Ivoiriens qui participent à ce processus d'identification?

Y J C : Non, il faut simplement prouver que vous êtes ivoirien et vous obtiendrez dans quelques semaines, votre carte d'identité. Le processus est devenu de ce fait très simple, grâce à la décision historique des politiques ivoiriens dont je loue la sagesse et le courage

UN RADIO : Parlons maintenant de la démobilisation et de la réintégration des ex combattants. Qu'est ce qui se passe à ce niveau ?

Y J C : Avec la signature le 22 décembre de l'Accord de Ouagadougou 4, l'ordre a été inversé. Avant Ouaga 4, les élections devraient se tenir avant le désarmement. Maintenant, ils veulent que le désarmement s'achève deux mois avant les élections. D'aucuns considèrent que cela rendra le processus électoral plus lourd qu'avant mais il y a une possibilité que du fait de cette contrainte, les gens travailleront de manière plus consciencieuse avant les élections, ce qui serait quelque chose de remarquable. Nous leur apporterons notre soutien afin que le désarmement se tiennent avant les élections.

UN RADIO : Combien de temps cela va-t-il prendre ? Est-ce que tous les ex combattants seront désarmés ?

Y J C :: Si vous comparez la Cote d'Ivoire à la RDC, la différence est qu'il y a un groupe de rebelles, une grande armée composée de plus de 20,000 éléments à ce que j'ai entendu, qui ne reconnait pas le processus de paix. En Côte d'Ivoire, tout le monde est partant ; ce qui est un signe encourageant. L'ex-chef des rebelles est le Premier ministre et ses collègues sont aujourd'hui des ministres. Le Général des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), l'armée des ex rebelles, est presque quotidiennement en contact avec le Commandant de la Force de l'ONUCI et celui des Forces de Défense et de Sécurité de Côte d'Ivoire (FDS CI). Nous avons donc d'excellents rapports, et c'est un très bon signe.

UN RADIO : Alors tout le monde a été réintégré dans l'armée ?

Y J C : Pas dans l'armée. Mais sur le plan politique tout le monde accepte le processus électoral et l'identification. Le désarmement en lui-même et la réintégration dans la nouvelle armée ivoirienne, sont des questions discutées dans le cadre de Ouaga 4. Dans le nouveau concept, il y aura trois éléments : 5.000 dans la police, 4 000 dans la gendarmerie et le reste des ex combattants recevront chacun 1000 dollars US de compensation. Ils retourneront dans leur village. C'est un schéma très simple. J'espère qu'il marche et qu'il y a maintenant des progrès dans le rétablissement de l'autorité de l'Etat dans le Nord, processus qui doit s'achever le 2 février 2009. Il y a des progrès, et nous espérons que très vite nous atteindrons cet important objectif.

UN RADIO : Et qu'en est-il de la zone de confiance qui séparait le Nord du Sud ?

Y J C : Je vous remercie pour cette importante question. Il y a dix zones et un commandant par zone (Com zone). Avec Ouaga 4, les zones sont appelées à disparaitre.. Les Com zones garderont leur grade mais ne n'exerceront plus d'autorité administrative. Ils passeront la main aux préfets, aux gouverneurs. Les Com zone resteront seulement dans les camps, ce qui permettrait le cantonnement de 5 000 soldats. Il n'y aura plus de zones.

UN RADIO : Parlons des élections tant attendues. Quand pensez-vous qu'elles auront lieu ?

Y J C : Elles étaient prévues se dérouler le 30 novembre 2008. Maintenant, c'est fini, nous ne pouvons pas les faire et les gens veulent l'identification avant. A mon avis, le processus d'identification devrait se terminer d'ici le printemps 2009. Nous envisagerons ensuite le processus électoral, qui, selon les experts, ont habituellement lieu au moins sur quatre à cinq mois, en tenant compte des cinq étapes qui sont non-compressives. Ce qui vous donne une idée du chronogramme. Mais le plus important est d'achever l'identification d'abord, ce qui à mon avis est une action sage.

UN RADIO : Quel rôle joue les Nations Unies pour accélérer le processus ?

Y J C : L'Accord politique de Ouagadougou est d'office la propriété des Ivoiriens, qui ont décidé des élections, mais ils ont besoin de notre présence pour plusieurs choses. Premièrement leur donner la paix pour sécuriser l'ensemble du processus électoral. Nous avons pour ce faire 8000 militaires et 1000 policiers. Deuxièmement, j'ai le mandat de certification. C'est la troisième fois, dans l'histoire des Nations Unies. Nous avions eu un au Timor l'Est, au Népal et maintenant en Cote d'Ivoire. Avec ce mandat, nous devrions éviter le scenario regrettable qui a eu lieu au Kenya et au Zimbabwe. Il ne devrait pas avoir ce scenario en Côte d'Ivoire. Ainsi, quiconque gagne les élections, remportera les élections. Tel est notre mandat et je veillerai à son application.

UN RADIO : Comment allez-vous garantir cela ?

Y J C :: Avec tous mes moyens : Nous avons 11 000 personnes en Côte d'ivoire. Nous avons un budget de 500 000 millions par an. Nous avons également la détermination et la coopération des Ivoiriens. Et heureusement je partage mes idées par rapport au schéma des cinq critères notamment la paix, l'inclusivité, les média, la liste électorale et le résultat. Ils l'ont tous accepté, mais, comme on le dit, le diable se trouve dans les détails. Mais le fait qu'ils acceptent ces cinq critères est un excellent signe. Et je suis confiant, du fait de la culture politique raffinée des Ivoiriens. Je pense que je peux le réussir.

UN RADIO : Avez-vous une idée du nombre de candidats qui pourraient prendre part aux élections.

Y J C : Il y aura, dit-on, plus de 15 candidats. Mais les principaux candidats sont : le Président actuel, Laurent Gbagbo, l'ex-président Henri Konan Bédié et l'ex- Premier ministre Alassane Ouattara. Ils sont tous les trois membres du Cadre Permanent de Concertation (CPC) dont les rencontres ont lieu à Ouagadougou. Les deux autres membres sont le Premier ministre Soro Guillaume et le Président du Burkina-Faso, Blaise Compaoré.

UN RADIO : Sur le plan économique, que se passe t-il ? Est-ce que la Cote d'ivoire fait des progrès afin de s'assurer que l'économie est distribuée au peuple ?

Y J C: L'Etat de Côte d'Ivoire existe. Il y a un gouvernement qui fournit les besoins de base du peuple, notamment l'eau et l'électricité, beaucoup mieux que beaucoup de pays voisins. Il y a un gouvernement doté d'un solide budget et il y a une armée, une police et une gendarmerie. Le gouvernement paie les Forces de sécurité dont le nombre s'élève à plus de 20 000 personnes. L'économie est bonne, mais à long terme, il y a des préoccupations notamment le taux élevé du chômage des jeunes, le problème de la stabilité des prix des denrées de première nécessité, mais à court terme, nous sommes surs qu'une fois les élections, l'identification et le désarmement achevés, nous pourrons envisager et mettre en place une stratégie de sortie de crise meilleure que dans d'autres missions de maintien de la paix.

UN RADIO : Coopérez-vous avec d'autres missions de maintien de la paix telle la MINUL, la mission des Nations Unies au Liberia ?

Y J C : Nous avons déjà établi des contacts avec la MINUL parce que la Cote d'Ivoire et le Liberia partagent la même frontière. L'approche des élections suscite habituellement des passions, des émotions au sein des gens, spécialement des jeunes. Alors, pour augmenter notre capacité de dissuasion, nous sommes en pourparlers avec le Liberia afin de leur emprunter certains de leur personnel ainsi que leurs troupes pendant la période électorale.

UN RADIO : Alors, la MINUL vous prêtera certains de ses éléments ?

Y J C :: Exactement. Nous avons déjà le mandat du Conseil de sécurité. Cela est dans notre mandat. Les deux missions coopèrent très bien.

UN RADIO : Parlant du Conseil de sécurité, il se réunira cette semaine, De quoi va-t-il discuter ?

Y J C : Premièrement, il y aura le renouvellement du mandat pour six mois, je l'espère. Nous discuterons également de la réduction d'un bataillon en Côte d'Ivoire sans avoir à changer le mandat. C'est très rare dans l'histoire du maintien de la paix. Nous avons volontairement proposé la réduction d'un bataillon avant les élections, ce qui se situe entre sept et huit cents éléments. Ceci est possible parce que la paix s'est largement restaurée en Côte d'Ivoire, grâce à l'Accord Politique de Ouagadougou.

UN RADIO : A partir de tout ce que vous avez dit, il semble que le processus est irréversible

YJ C : Je suis convaincu que le processus est irréversible. Nous y allons doucement mais nous y serons.

UN RADIO : Bien, je vous souhaite le meilleur et vous remercie de nous avoir accordé cette interview.

Y J C : Merci