Interview de Young-J. Choi, représentant spécial du Sg de l’Onu Côte d’Ivoire

29 oct 2010

Interview de Young-J. Choi, représentant spécial du Sg de l’Onu Côte d’Ivoire

Fraternité Matin du 29 Octobre 2010Young-J. Choi, représentant spécial du Sg de l'Onu en Côte d'Ivoire : "La transparence des résultats sera assurée"
Interview réalisée par Paulin N. ZOBO

Fraternité Matin : Nous sommes à deux jours de l'élection présidentielle et vous avez rencontré les différentes parties membres du Cpc, les candidats, les religieux. êtes-vous optimiste pour le scrutin de dimanche prochain ?

M. Choi : Nous sommes optimistes. Je suis convaincu qu'il aura lieu, la dynamique est tellement forte qu'il sera difficile de la briser. Il n'y a pas d'autre moyen que d'y aller.

Fraternité Matin : Plus d'autres obstacles majeurs ?

M. Choi : Non, je n'en vois pas. Il y avait des obstacles sur les plans logistique et
technique. Des défis que nous avons identifiés à temps avec la Cei, et nous y avons apporté des remèdes. Ces hommes ont remédié à l'heure. Presque tous les défis sont relevés, et surtout les cartes nationales d'identité et d'électeur. Avec cette commission, nous les avons transportées
dans plus de 10.000 lieux de vote depuis le 17 octobre. Et depuis lors, nous avons atteint le nombre du million de cartes distribuées par jour. Aujourd'hui, nous avons déjà distribué plus de 9 millions, il reste plus que quelques millions qui le seront dans deux jours. Ainsi, tous les défis sont relevés. C'est vrai qu'il reste encore un défi de nature politique, notamment le comptage ; mais je ne crois pas que ça puisse constituer des questions majeures.

Fraternité Matin : Justement sur la question du comptage qui a surpris plus d'un, vous avez décidé d'en assurer le transport des procès-verbaux. En même temps, la Cei a opté pour prendre en compte le volet électronique. Pouvez-vous expliquer concrètement comment se fera ce transport des Pv?

M. Choi : Nous nous sommes, à plusieurs reprises, exprimé sur ce sujet.
Malheureusement, nos propos n'ont pas été rapportés fidèlement ; je voudrais
compter sur vous. Voilà ce qui va se passer le 31 octobre. A 17 heures, le vote prend fin dans les 20.178 Bv. Les trois commissaires commenceront le comptage manuel des bulletins de vote. Et à ce niveau, toutes les parties sont d'accord. Cela durera, d'après la Commission, deux ou trois
heures pour produire les Pv. Lesquels seront affichés dans les Bv. Ensuite, les trois commissaires et Unops vont transporter les Pv vers les 338 commissions sous-préfectorales. Là aussi, ils feront encore l'agrégation des Pv suivie de l'affichage. Ils vont, une fois de plus, transporter leurs propres Pv au niveau départemental au nombre de 58 doublé de l'affichage. Du département, le transport atteindra
les régions au nombre de 19 et enfin, au niveau de la Commission centrale, à Abidjan. Le problème ne
se situe pas au niveau du comptage manuel ou électronique puisqu'il est déjà manuel au niveau du bureau. Le problème se situe au niveau de la transmission des Pv. Deux moyens sont envisagés. Nous Onuci, allons assurer le transport par des voies aérienne et terrestre, nous allons acheminer les procès-verbaux physiquement jusqu'à Abidjan. En revanche, s'agissant de l'autre aspect (Ndlr : électronique), on est pas encore informé ni par la Sils ni par la Commission. Mais une fois que le moyen de transport par l'Onuci, qui ne prend pas beaucoup de temps, sera garanti, c'est déjà crucial. Au niveau régional, il n'y a que 19 régions ; donc ce sera facile de faire les calculs. Cependant, au niveau central, la tabulation posera problème. Même là, il n'y a que 415 procès verbaux à tabuler à la charge des 22 commissaires issus de toutes les tendances politiques.
Pour moi, la transparence est déjà assurée, il ne faut pas trop s'inquiéter du résultat qui sera nécessairement connu de tout le monde. Pour me résumer, le plus important, c'est l'aspect manuel. La transmission peut se faire de façon électronique mais l'Onuci assure la transmission par voie physique. Il n'y a que 415 Pv à tabuler avec 22 commissaires très compétents. Après, il y a la certification. Le plus important, c'est l'affichage public, à chacune des étapes, des Pv. Je ne vois donc pas de raisons d'inquiétudes puisque la transparence est déjà assurée.

Fraternité Matin : La transparence est assurée, dites-vous, mais la question de la sécurité demeure. Certes, il n'y a pas de grandes violences mais il y a quand même quelques débordements dans certaines régions, qui inquiètent plus ou moins des populations et certains candidats. D'ailleurs, certains candidats se plaignent de ne pas avoir la sécurité requise pour battre campagne. Avez-vous été saisi de cet état de chose et qu'en dites-vous?

M. Choi : Il ne faut pas être complaisant, il y a des cas de possibilité de violence pour lesquels nous avons été saisi et auxquels nous avons réagi comme il fallait. Il est vrai que beaucoup de choses peuvent se passer d'ici le 31 octobre. Mais franchement, jusqu'à présent, ne voyez-vous pas que la conduite de la campagne, les préparatifs du scrutin, la couverture par les médias d'Etat etc. sont équitables ? Exemplaires ? Je dirai au peuple ivoirien d'être fier de ce qu'il fait jusqu'à présent. C'est exemplaire. Le déchirement des affiches des candidats adverses se fait partout dans le monde. Ce qui est gênant, c'est quand ils prennent une allure régionale dans quelques endroits, cela n'est pas acceptable. Mais ce n'est pas généralisé. En dehors de cela, je dirai que la campagne est assez équitable au niveau des médias. C'est passionné mais tout cela s'inscrit dans le cadre des principes démocratiques. Mon message aux dirigeants et au peuple ivoiriens est ceci : soyez-en fiers ; c'est exemplaire même, à part quelques troubles. Vous avez tout le droit d'être fiers. Félicitations.

Fraternité Matin : Vous l'avez dit, lors de votre rencontre avec les militaires de l'Onuci, que les défis techniques et logistiques étaient déjà relevés mais qu'au second, tour, il y aura d'autres défis politique et sécuritaire. Que vouliez-vous dire en interpellant les militaires de l'Onuci ?

M. Choi : Je m'appuie sur le chronogramme publié par la Cei. Qui laisse entrevoir deux, trois voire cinq jours importants dans le mois de novembre. D'abord, le 3 novembre, où la Commission entend annoncer le résultat provisoire. Le 10 novembre, le Conseil constitutionnel doit proclamer le résultat définitif. S'il devait avoir un second tour, le 12 novembre, les campagnes reprendraient ; et le 28 novembre, ce serait le scrutin final. C'est dire que le mois de novembre tout entier sera marqué par des dates très significatives. Pour la Côte d'Ivoire, le mois de novembre sera l'occasion d'un vote
très significatif et démocratique. Il peut y avoir des défis et c'est de cela que je parlais à la force de l'Onuci. Novembre pourrait être l'heure de vérité pour la communauté internationale ainsi que pour le peuple ivoirien, au cas où il y aurait un second tour.

Fraternité Matin : Avez-vous pris des dispositions particulières à cet effet ? Nous avons lu dans un journal que l'Onuci aurait prévu 10 000 soldats en cas de menace sur le processus.
En d'autres termes, avez-vous un plan B?

M. Choi : Nous avons déjà sur place des troupes de l'Onuci y compris des unités de Police. Nous avons déjà 500 éléments supplémentaires polices et militaires, cinq hélicoptères, deux de Onu, trois de la Centrafrique. Nous avons déjà planifié, et déployé tous les éléments. Beaucoup d'inquiétudes ne sont pas bien fondées. Depuis l'Accord de Ouagadougou, nous avons constaté que la paix et la stabilité sont largement restaurées. Abidjan est devenue une ville normale.
Grâce audit Accord, nous avons traversé les obstacles sensibles tels que les audiences foraines, l'opération d'identification, les contentieux...sans trop de problèmes. En dehors de l'incident de février 2010, qui ne doit pas se répéter, tout est paisible. Avec la collaboration entre les forces de sécurité ivoiriennes et les forces impartiales, nous avons sécurisé, avec grand succès, tout le processus pendant plusieurs années. Pourquoi pas maintenant? Je ne vois vraiment pas de raisons d'inquiétudes, on a tant attendu ce moment historique. Je voudrais rappeler que cette collaboration qui est très fiable et qui a fonctionné pendant ces trois dernières années, marchera encore.

Fraternité Matin : Nous ne sentons pas très bien le Centre de commandement intégré (Cci). Nous nous demandons s'il n'est pas confronté à un problème de logistique ou de financement
pour son déploiement ?

M. Choi : Si le Cci n'a pas encore atteint le but, il offre tout de même un cadre très utile pour les quatre généraux. Les états-majors des Fds, Fafn, Licorne et Onuci se rencontrent très souvent.
Une autre rencontre est même prévue avant le scrutin. Par ailleurs, au niveau des brigades mixtes, 1300 sont déjà installées. C'est un dispositif que nous devons utiliser au maximum, en même temps que les forces impartiales et les forces de sécurité ivoiriennes. Les trois structures s'harmonisent pour garantir la sécurisation des élections .

Fraternité Matin : Quelle sera la mission des ambassadeurs ? Vous en avez reçus (c'était hier) en plus du séminaire précédent. Qu'attendez-vous d'eux pendant tout ce processus ?

M. Choi : Les inviter à observer combien les Ivoiriens et le peuple sont fiers d'eux mêmes, pacifiques, déterminés à sortir de la crise. Je suis convaincu que les ambassadeurs viendront. Nous avons préparé cinq axes d'observation sur toute l'étendue du territoire. Je suis sûr qu'ils en reviendront avec une confiance accrue concernant la détermination du peuple ivoirien.

Fraternité Matin : Pour terminer, Excellence, qu'attendez-vous des 14 candidats ? Et quel message adressez-vous aussi bien à eux qu'à la population à la veille du vote ?

M. Choi : Je voudrais d'abord les remercier puisque jusqu'ici, nous assistons à un processus exemplaire dont tout le monde pourrait être fier. Maintenant, dans deux jours, ce sera le jour du scrutin ; il faut aller à ce rendez-vous historique avec calme, pondération et un esprit démocratique. Après, nous verrons.