Entretien accordé par le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies, Monsieur Hervé Ladsous en Côte d’Ivoire à ONUCI FM, diffusé le samedi 2 novembre 2013 à 7h, 12h et 18h

7 nov 2013

Entretien accordé par le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies, Monsieur Hervé Ladsous en Côte d’Ivoire à ONUCI FM, diffusé le samedi 2 novembre 2013 à 7h, 12h et 18h






ONUCI FM: M.

Hervé Ladsous, bonjour !




M. Hervé LADSOUS:

Bonjour monsieur !




ONUCI FM:

Comment les missions de paix peuvent-elles aider à renforcer la sécurité

transfrontalière en Afrique et particulièrement en Afrique de l'Ouest ?





M. Hervé LADSOUS:

Je crois que l'ONUCI et la MINUL en fournissent le meilleur exemple. Car au

fond, on se rend compte crise après crise qu'aucune crise dans un pays n'est

séparable de son contexte régional. Il y a des prolongements, il y a des

interactions. Il y a aussi des risques de contagion. Donc on le voit bien pour

la Côte d'Ivoire, la relation avec ses voisins est essentielle, comme sont

essentiels tous ces mécanismes de coopération qui ont été mis en place au fil

des mois et des années. Et je pense en particulier à ce mécanisme quadripartite

qui existe entre les États de Côte d'Ivoire et du Liberia et les deux missions

des Nations Unies dans les deux pays. Ça permet de travailler ensemble avec une

mise ensemble des moyens et une beaucoup plus grande efficacité.




ONUCI FM:

Est-ce que vous êtes inquiets lorsque vous sentez que la crise éclate au Mali

alors que la Côte d'Ivoire et le Liberia sont en train de sortir de crise ?

Est-ce que vous êtes inquiet pour la sous-région ?




M. Hervé LADSOUS:

Je l'ai dit, on ne peut pas négliger le contexte régional, c'est vrai. Mais il

faut voir aussi que la crise au Mali était d'abord une crise profonde de

gouvernance qui a créée du vide, notamment dans le Nord du pays. La nature a

horreur du vide et c'est ce qui a attiré toute une série de djihadistes et de

trafiquants de tout genre, avec un impact pour les pays de l'environnement

immédiat. Et c'est bien pour cela que le Secrétaire général des Nations Unies a

souhaité qu'il puisse être élaborée une stratégie globale pour le Sahel, dont il

a confié la maitrise d'œuvre à monsieur Romano Prodi. Et c'est ce qui va être

discuté dans les prochains jours avec les pays de la région, lorsque le

Secrétaire général effectuera sa visite sur zone.  




ONUCI FM:

Alors, la République du Mali et la République Centrafricaine sont deux pays

confrontés à d'importants défis sécuritaires et réclame d'avantage de casques

bleus. Quelle réponse apporte l'ONU ?




M. Hervé LADSOUS:

D'abord, je ferai observer que pour la République Centrafricaine, nous n'en

sommes pas là. Le Conseil de sécurité a demandé au Secrétaire général des

propositions. Des propositions sur lesquelles nous sommes en train de travailler

et qui devraient se concrétiser dans la deuxième moitié du mois de novembre.

Mais encore une fois, le Conseil de sécurité n'a rien déclenché, n'a rien décidé.

Pour le moment, ce qui est en train de se produire, c'est le déploiement de la

MISCA à l'initiative de la Communauté Economique des États de l'Afrique Centrale

et à présent de l'Union africaine. Et nous verrons ensuite, comment nous

avancerons. Pour le Mali, c'est très différent. Puisque c'est le 1er

juillet que nous avons fait passer sous casque bleu les troupes de la Cédéao qui

étaient déjà déployées. Et nous travaillons d'arrache-pied à faire venir les

autres contingents qui sont nécessaires, tous les équipements. C'est une tâche

complexe, mais encore une fois qu'il nous faut absolument réaliser très vite.   




ONUCI FM:

Est-ce que vous estimez monsieur Ladsous que la situation sécuritaire au Mali

est en train de s'améliorer depuis les dernières élections présidentielles ?




M. Hervé LADSOUS:

Je crois qu'incontestablement, elle s'est améliorée. Mais il ne faut pas se

départir d'une vigilance constante. Car nous voyons bien qu'il y a eu, l'autre

semaine, une attaque suicide contre un cantonnement de la MINUSMA à Tessalit. Il

y a eu pas plus tard qu'hier des explosions d'obus près de Gao, qui heureusement

à la différence de l'attaque précédente n'a fait aucune victime. C'est

l'occasion d'ailleurs de saluer le courage en l'occurrence des militaires

tchadiens, qui à Tessalit se sont comportés d'une façon tout à fait admirable.

Mais ça montre bien que nous devons rester très vigilants, au moment où il est

question pour la France de réduire progressivement le dispositif Serval. Alors

que nous sommes encore en train de travailler au déploiement de la MINUSMA dans

tout son format. Je crois qu'il faut faire très attention et être prêt à réagir

à toute provocation. 




ONUCI FM: On

va s'intéresser maintenant au dossier congolais, la République Démocratique du

Congo. Nous observons que la MONUSCO se bat aux côtés des Forces armées de la

République Démocratique du Congo contre les rebelles du M23. Pouvez-vous nous

expliquer les contours de cet engagement des Nations Unies auprès de l'armée

congolaise.




M. Hervé LADSOUS:

En fait, il y a une nuance à apporter. C'est-à-dire que toutes ces opérations ce

sont les forces armées de la République Démocratique du Congo qui ont pris

l'initiative de l'offensive contre ces rebelles du M23. Mais il y en a beaucoup

d'autres groupes, à la fois congolais et non congolais. Donc l'armée congolaise

a réagi à des attaques du M23 et a réussi à maitriser celui-ci. Etant entendu

que la MONUSCO la force des Nations unies était en standby et en permanence

prête à intervenir notamment pour protéger les civils. Car c'est cela le cœur du

mandat de la MONUSCO. Bon, je crois qu'en même temps, il faut bien se dire, là

comme ailleurs, que la guerre est une chose mais c'est toujours mieux de

parvenir à la paix. Or, précisément se poursuivent actuellement des pourparlers

en Ouganda, à Kampala entre le M23 et le gouvernement congolais. Et nous

espérons beaucoup qu'un accord sera trouvé et qui permettra de régler tous les

problèmes qui restent encore pendants.




ONUCI FM:

Quelle est l'implication de l'ONU dans le règlement de ce conflit dans l'Est de

la République Démocratique du Congo ?




M. Hervé LADSOUS:

C'est à l'initiative de l'ONU, en fait du Secrétaire général, M. Ban Ki Moon

qu'a été signé au début de cette année, ce que nous appelons l'accord cadre sur

la paix et la sécurité et la coopération dans la région des Grands Lacs. C'est

pour la première fois, un instrument qui nous permet de jouer sur toute une

palette. Premier élément, les engagements du gouvernement congolais à faire

toutes les reformes qui sont nécessaires pour établir à nouveau son autorité

dans les provinces des Kivu qui étaient, il faut bien le dire, depuis de longues

années dans les errances. Deuxièmement, engagement des pays de la région à

respecter leur souveraineté respective, à ne plus se mêler des affaires internes.

Et au contraire à travailler à davantage de coopération. Troisième engagement,

celui de la communauté internationale, les Nations unies, les organisations

africaines, l'Union africaine, la Conférence de Grands Lacs, et d'autres encore

pour apporter leur soutien et être prêt à appuyer constamment tous ces processus.

Parallèlement, c'est vrai que le Conseil de sécurité a doté la MONUSCO d'un

nouvel instrument qu'on appelle la Brigade d'intervention, qui est un élément

inséparable de la MONUSCO. Mais dont il est attendu, c'est exactement ce que dit

la résolution du Conseil de sécurité, qu'elle neutralise les groupes armées.

Donc avec tous ces éléments, n'oublions jamais que c'est une vision politique,

que ce n'est pas un processus militaire au premier chef. C'est un processus

politique. Et qu'ainsi on va essayer de faire sortir toute cette région et en

particulier les provinces de l'Est du Congo de 15 ans, 20 ans, maintenant de

souffrances abominables qui ont fait des millions de réfugiés, qui ont tués des

centaines de milliers, sinon des millions de gens, des milliers de femmes

violées, etc.  




ONUCI FM:

Alors Hervé Ladsous, nous allons revenir au dossier de la Côte d'Ivoire. Ce pays

s'achemine vers un nouveau scrutin présidentiel en octobre 2015. Et le Conseil

de sécurité dans sa résolution 2112 sur la Côte d'Ivoire recommande la réduction

des effectifs militaires d'ici 2015. Comment concilier cette recommandation et

les impératifs de protection des civils ?  




M. Hervé LADSOUS:

Je crois que cette décision du Conseil de sécurité reflète la prise de

conscience partagée du fait que, la situation sécuritaire en Côte d'Ivoire s'est

quand même sensiblement améliorée. Bien sûr, il y a encore du travail à faire.

Et bien sûr, nous y travaillons aux côtés des autorités sécuritaires et de

l'armée ivoirienne. Mais je pense que des pas importants ont été accomplis. Et

vous savez, dans ces temps d'austérité, les États membres des Nations Unies nous

demandent d'être extrêmement vigilant, prudent dans la gestion des ressources

dont nous avons la charge. Donc je crois que c'est la raison pour laquelle nous

avons décidé qu'effectivement une diminution du dispositif militaire de l'ONUCI

était quelque chose de raisonnable. Mais nous allons procéder à nouveau à un

examen de cette situation l'année prochaine en faisant la même chose à côté au

Liberia. Et nous sommes prêt à tout moment à ajuster et à éventuellement à

travers ce que nous appelons la coopération intermission, à apporter des moyens

supplémentaires. C'est ainsi que les trois (3) hélicoptères d'attaque basés

jusqu'à présent en Côte d'Ivoire, vont être prêtés à la MINUSMA pour deux mois,

pendant la période  qui mène aux élections législatives maliennes. Mais c'est

quelque chose de ponctuelle. Vous voyez, c'est la mutualisation des moyens. Et

je crois que c'est de plus en plus comme cela qu'il faut travailler.  





ONUCI FM:

Pour terminer cet entretien, avez-vous un message en direction des acteurs du

processus de paix en Côte d'Ivoire ?




M. Hervé LADSOUS:

Je crois que si on se réfère à la situation qui prévalait en Côte d'Ivoire au

printemps 2011, on mesure l'immensité du chemin parcouru. Bien sûr, il y a

encore des problèmes. Des problèmes auxquels nous travaillons. Et nous

travaillons d'ailleurs dans la confiance avec les autorités ivoiriennes. Mais

quand je vois à Abidjan, quand je vois l'activité économique, quand je vois les

jeunes qui sont d'avantage employés, je crois qu'il y a de bonnes raisons

d'espérer en un bel avenir pour le pays. C'est l'objectif que nous poursuivons

ici comme ailleurs dans le monde. Il s'agit de rendre aux gens de l'espoir, de

la dignité et les perspectives d'un avenir meilleur. Si c'est à cela que nous

parvenons effectivement. Je crois que nous auront rempli notre mission.





ONUCI FM:

Monsieur Hervé Ladsous, merci d'être passé dans notre studio d'ONUCI FM 






M. Hervé LADSOUS


: C'est moi qui vous remercie.