REVUE DES MEDIAS AUDIOVISUELS DU 28Mai 2008

29 mai 2008

REVUE DES MEDIAS AUDIOVISUELS DU 28Mai 2008


BBC - édition du 27 mai 2008 à 18 H
Interview de Jean-Paul Proulx, Chef de l'unité Conduite et Discipline avec Valérie Boni.


J.P.P. : "Il y a une procédure très simple qui est faite à partir du moment qu'on le sait, on agit. Je donne un exemple, l'été dernier on a su qu'un contingent avait des comportements non acceptables par rapport à des enfants. On a su ça le vendredi, le lundi matin on envoyait une équipe sur le terrain. L'équipe est revenue avec toutes les informations. Tout de suite après ça, il y a eu une rencontre avec le RSSG, qui est le représentant du Secrétaire Général et il y a des ordres qui ont été donnés aux forces de commandement tout de suite pour prendre des mesures pour cantonner les soldats dans leur camp. Quand on a l'information, on agit tout de suite. Le problème c'est d'avoir l'information. Ce que je trouve personnellement un peu triste, je parle en mon nom, c'est que l'enquête de Save the children a été faite l'été dernier. La semaine dernière, ils ont fait une session à Guiglo où il y avait des journalistes. Ils ont amené une jeune fille de 13 ans qui dit avoir été violée par 10 militaires. Mais, ça a été fait en juillet 2007 et on fait publiquement une rencontre avec des journalistes en mai 2008 sans jamais avoir informé, alors qu'ils savent très bien qu'on prend des mesures. On nous dit : « la famille ne voulait pas », mais pourquoi la famille ne voulait pas ? Et puis tout d'un coup lorsqu'il y a des journalistes, on amène les enfants et l'enfant parle. Je ne veux pas du tout critiquer celle de Save the children, mais je ne comprends pas pourquoi quand on a des informations et qu'on sait que les gens agissent et moi c'est ma priorité d'agir. Ma priorité ce n'est pas de faire des réunions, ma priorité c'est d'agir quand il y a quelque chose. Pourquoi on ne nous contacte pas pour nous donner l'information ? Si on l'avait su, nous on aurait bloqué les militaires. Ils n'auraient pas pu sortir du pays, ils auraient été cantonnés. Un an plus tard ces militaires sont partis. Quand on amène la jeune fille pourrait-elle les identifier, après un an ? »

BBC : «Vous prenez des actions rapidement et par contre il n'y a pas de publicité qui est faite autour. Est-ce que le fait d'en parler un peu plus n'encouragerait pas les gens justement à dénoncer ce genre d'abus ? »

J.P.P. : « Oui et c'est pour ça qu'on reçoit les rapports avec satisfaction, parce que ça peut rendre public et ça peut encourager les gens à le faire. L'été dernier, je ne sais pas si vous vous rappelez, le contingent en cause qui avait été accusé d'avoir abuser sexuellement de plusieurs femmes et plusieurs petites filles. Il y a eu une conférence de presse à New York qui a été faite aussitôt connu le rapport et après il a été pris la décision immédiate de cantonner ce contingent là. Après ça il y a l'enquête, mais l'enquête est faite par le pays contributeur des troupes. Alors nous on n'a pas de contrôle là-dessus. C'est eux qui font l'enquête et eux qui remettent le rapport d'enquête. Ils peuvent demander la collaboration de l'organisme indépendant qui s'appelle O.I.O.S., mais ils ne sont pas obligés de demander la collaboration de cet organisme là ».

BBC : « Est-ce qu'il y a des sanctions judiciaires ou seulement ça reste dans le domaine militaire, si c'est des militaires par exemple ? »

J.P.P. : « C'est le pays contributeur de troupes d'où vient le soldat qui devait décider si oui ou non il y a des sanctions. Ce que l'ONU peut faire et l'ONU le fait c'est qu'elle dit qu'elle ne veut plus avoir ces personnes là dans des missions de la paix à l'avenir ».

BBC : «Si c'est par exemple un viol, il y a normalement des sanctions pénales ? »

J.P.P. : « Mais là c'est le pays qui doit décider. Ça, on n'a pas le contrôle là-dessus. »

BBC : « Par exemple ceux qui sont en Côte d'Ivoire, la justice ivoirienne ne peut rien faire ? »

J.P.P. : «Pour les civils, s'il y a une allégation qui est faite de viol, le pays peut demander au Secrétaire Général et à ce moment là le Secrétaire Général doit lever (je ne peux parler en son nom) l'immunité si le pays veut prendre des poursuites alors que la personne est encore là ».

BBC : « Une victime doit aller où pour se plaindre ? »

J.P.P. : « C'est certain qu'une victime n'ira pas, n'ira à peu près jamais voir l'ONUCI. Nous, notre équipe, Conduite et Discipline on est en train de développer des liens avec toutes les ONG locales et internationales pour avoir l'information. On sait que c'est beaucoup plus facile pour un enfant d'aller parler à une ONG que de venir nous parler parce que ça peut faire peur, ça peut faire peur, une organisation internationale, on ne sait les conséquences et tout».

BBC : « Le problème des abus sexuels, on en parle de plus en plus. Ça a toujours existé ou c'est entre guillemets à la mode en ce moment ? »

J.P.P. : « Je ne pense pas honnêtement que la situation soit pire ici en Côte d'Ivoire que dans n'importe quel autre pays. Ce qui est, ce qui commence à être important et puis merci à celle de Save the children de l'avoir fait. C'est de sortir un rapport comme ça donc ça nous aide nous à mettre plus d'énergie pour travailler avec les gens. Honnêtement, premièrement je ne pense pas que ce soit pire, deuxièmement c'est l'humanité. Je m'excuse, mais des hommes violents il y en aura tout le temps, des hommes abuseurs malheureusement il y en aura tout le temps. Ce qui ne veut pas dire qu'il y en a plus ici qu'ailleurs ».

BBC : «Vous avez éventuellement des chiffres pour la Côte d'Ivoire au niveau des plaintes qui ont été déposées ? »

J.P.P. : « Il y a eu 15, si je m'en rappelle bien, dossiers d'ouverts. Ce qui ne veut pas dire que c'est juste 15 enfants qui ont été touchés ».

RFI - Edition du 28 Mai 2008 à 7 H 30

L'action de certains travailleurs humanitaires dénoncée par un rapport de l'ONG Save the children, l'organisation de Protection de l'Enfance vient de publier un rapport dans lequel elle dénonce les abus sexuels perpétrés par du personnel humanitaire sur des enfants dans des zones d'opération. Des centaines de jeunes ont été violés, d'autres sont contraints à la prostitution pour obtenir de la nourriture, du savon ou des téléphones portables. Ce rapport fait suite à une année d'enquête durant laquelle Save the children a recueilli plusieurs centaines de témoignages : en Haïti, mais aussi en Côte d'Ivoire ou dans le Sud Soudan. Ecoutez Corine Tchaki, elle est conseillère pour la Protection de l'Enfance à Save the children est l'un des auteurs du rapport :

« C'est une infime et néanmoins indigne minorité des humanitaires qui est concernée. En revanche le phénomène touche tout le monde : les organisations locales, internationales, l'ONU et les missions de maintien de la paix. Le problème c'est que s'est un sujet tabou, les communautés refusent d'en parler parce qu'elles ont honte et parce qu'elles ont peur de perdre l'aide qu'elles reçoivent. Les organisations craignent aussi le scandale qui pourrait entraîner ces affaires et les conséquences sur leur image. Tout cela veut dire qu'il y a probablement beaucoup d'abus qui sont encore cachés. Il y a aussi un niveau inquiétant d'impunité. Un enfant nous a dit que l'organisation qui aidait son village se comportait comme si elle était intouchable. L'une des solutions serait la création d'un organe de contrôle global avec des règles auxquelles les ONG devraient adhérer et se conformer. On peut stopper ces abus si on s'en donne les moyens. Cette lutte doit être considérée comme une priorité par les humanitaires. C'est seulement là qu'on arrivera à avoir une politique de tolérance zéro. »