REVUE DES MEDIAS AUDIOVISUELS DU 15 FEVRIER 2010

15 fév 2010

REVUE DES MEDIAS AUDIOVISUELS DU 15 FEVRIER 2010




BBC – édition du 15 Février 2010 à 12 H 00

En Côte d'Ivoire, le Premier Ministre Guillaume Soro a entamé les consultations en vue de la formation du nouveau gouvernement. L'équipe précédente, composée de représentants des partis signataires de l'accord de paix d'Ouagadougou, a été dissoute la semaine dernière par le Président Gbagbo. Le Chef de l'Etat ivoirien a indiqué vouloir un gouvernement qui ne soit pas au service des partis politiques. Référence à la crise provoquée par les allégations de fraude portées par le camp présidentiel contre la Commission électorale, d'où le patron est issu de l'opposition. En attendant, la décision de Laurent Gbagbo continue à provoquer des réactions. Ce matin déjà des partisans ont manifesté à l'appel du RHDP à Abengourou, à environ 200 km au nord d'Abidjan. Le rassemblement des houphouétistes pour la paix, principal coalition de l'opposition, a demandé à ses partisans de se mobiliser contre le régime, qu'il qualifie de dictature. Toutes les activités, notamment commerce, transport, enseignement ont été paralysés par les manifestants qui ont bloqué les accès à la ville. Ba Abdoulaye, l'un des manifestants responsable de la jeunesse du RHDP à Abengourou, il a été joint par BBC :

B. A. : « Nous allons marcher jusqu'à ce que Monsieur Laurent Gbagbo quitte le pouvoir. Et la marche d'aujourd'hui est juste un avertissement pour les autorités locales et les autorités nationales ».

BBC : « Est-ce que vous allez maintenir la pression sur le gouvernement ? »

B. A. : « Bien sûr que nous allons maintenir la pression sur le gouvernement, principalement sur Laurent Gbagbo jusqu'à ce qu'il quitte le pouvoir. »

BBC : « Donc, vous répondez à l'appel de la coalition de l'opposition, le RHDP, qui demande à ses partisans de s'opposer par tous les moyens à la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale ? »

B. A. : «Bien sûr ! Nous allons protester, comme le directoire du RHDP l'a décidé. Nous allons protester jusqu'au départ de Monsieur Laurent Gbagbo. »

BBC : « Mais le Premier Ministre Guillaume Soro a entamé aujourd'hui des consultations pour la formation d'un nouveau gouvernement. Cela ne vous convainc pas ? »

B. A. : « Cela ne nous concerne même pas. Aujourd'hui, nous contestons tout ce que vient de Laurent Gbagbo. Nous ne sentons pas concernés dans la formation du gouvernement du Premier Ministre. Nous allons protester jusqu'à ce qu'un nouveau cadre s'établisse dans la Côte d'Ivoire. »

Cette escalade inquiète le Mouvement ivoirien des droits de l'homme. Ecoutez son président Traoré Drissa.

Traoré Drissa : « Nous sommes particulièrement inquiets en raison de l'utilisation de l'article 48 de la constitution par le Chef de l'Etat, qui pourrait, à chaque fois, utiliser cet article pour faire des textes de loi. Nous pensons qu'aucun des acteurs ne doit faire cavalier seul. Aussi bien le Premier Ministre que le Chef de l'Etat, ils doivent associer l'ensemble de la classe politique aux différentes négociations, aux différents compromis. Nous souhaitons également que la société civile soit inclue dans les négociations de maintenant pour éviter qu'il ait des face à face camp présidentiel - opposition.

BBC : « Est-ce que vous voulez au juste qu'on rétablisse la CEI ? »

Traoré Drissa : « Nous souhaitons que, très rapidement, la CEI soit rétablie, mais cela pourrait se faire dans le cadre de discussions entre le Chef de l'Etat, le Premier Ministre, les forces de l'opposition, la société civile et sous l'arbitrage de la communauté internationale pour qu'ensemble on puisse trouver la voie idoine pour permettre à la CEI de commencer très rapidement son travail pour que nous ayons des élections. »

BBC : « Mais, le président de CEI, lui-même, Beugré Mambé, avait reconnu qu'il y avait des disfonctionnements au sein de cette commission. »


Traoré Drissa : « Il a reconnu qu'il y a eu des disfonctionnement et pour nous attendions que des mesures soient prises dans le cadre des différentes négociations, surtout que les différents acteurs venaient d'Ouagadougou où le Facilitateur les a reçus et ce que nous avons entendu, c'est qu'il entendait faire des propositions de sortie de crise. C'est à cela que nous nous attendions qu'il y ait une réponse négociée à la question du disfonctionnement de la CEI. »

BBC : « Que pensez-vous des déclarations de l'opposition qui dit ne plus reconnaître le Président Gbagbo ? Est-ce que ce n'est pas de nature à enflammer la situation ? »

Traoré Drissa : « Absolument. Nous pensons que chacun de nous doit pouvoir laisser une porte entrouverte pour les négociations parce que c'est à ce titre seulement que notre pays, la Côte d'Ivoire, pourrait voir le bout du tunnel. »

RFI – édition du 15 Février 2010 à 6 H 30
La Côte d'Ivoire de nouveau plongée dans la crise politique. L'opposition évoque un coup d'état, après la décision du Président de dissoudre la CEI et le gouvernement. Un nouvel exécutif, toujours dirigé par Guillaume Soro, devrait être formé avant la fin de la semaine. Comment interpréter ce nouveau rebondissement ?

Gilles Yabi, consultant indépendant et spécialiste des crises Ouest africaines, est l'invité d'Olivier Roger.

RFI : « Bonjour, Gilles Yabi ! »

Gilles Yabi : « Bonjour ! »

RFI : « A votre avis, pourquoi le Président Laurent Gbagbo a finalement décidé de dissoudre la Commission électorale indépendante, ainsi que le gouvernement ? »

Gilles Yabi : « Je pense qu'il faut remonter à la nature même de la crise ivoirienne qui a toujours fonctionné de manière cyclique avec une alternance de périodes de tension politiques, de périodes de violences, plus ou moins importantes, et des périodes de calme. Les tous derniers mois, on avait plutôt l'impression que l'accord politique d'Ouagadougou a été mis en œuvre, certes très lentement, mais qu'il était quand même mis en œuvre. Mais au fond, on a pu observer ces progrès parce qu'on n'a pas franchi une étape qui pouvait menacer les intérêts politiques, considérés comme vitaux, par les signataires de l'accord politique d'Ouagadougou. Donc, aujourd'hui, on est dans une phase extrêmement délicate qui précède la finalisation de la liste électorale. Je crois que s'il n'y a toujours pas de garantie, du côté du Président Gbagbo, d'une victoire à une élection présidentielle, je crois que cette période se prête à toutes sortes de coups qui pourraient retarder le moment de l'élection. Je crois que la décision qui vient d'être prise par le Président Laurent Gbagbo traduise cette réalité jusqu'au moment où il aura l'impression que cette élection servira ses intérêts en matière de réélection. »

RFI : « Donc, selon vous, le risque de fraudes ou de confusions au sein de la liste électorale est simplement un prétexte employé par le pouvoir ? »

Gilles Yabi : « Ce qui me semble clair c'est que les explications qui ont été données par le président de la CEI au lendemain des accusations de fraudes portées par le camp présidentiel, ces explications ne sont pas très convaincantes non plus. On a le sentiment qu'il y avait quand même peut-être des manœuvres pas tout-à-fait claires au niveau de la CEI. Et peut-être qu'effectivement le président Mambé porte une certaine responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui. Mais, au-delà de cette affaire Mambé, je souligne qu'il y avait aussi, au niveau du contentieux électoral, au niveau juridique des problèmes énormes qui se posaient dans plusieurs localités. On a même constaté de la violence puisque des centaines de personnes étaient en train d'être radiées de la liste électorale. Donc, au-delà de l'affaire Mambé, clairement il y avait aussi une volonté, je pense en ce moment, de retarder le processus électoral, en tous les cas pour relancer la crise plutôt pour gagner du temps.

RFI. : « Alors retarder le processus électoral, relancer la crise pour gagner du temps, mais, est-ce qu'en déchirant les accords de paix de Marcoussis jusqu'à Pretoria, en passant par Ouagadougou, le Président ne prend pas un risque plus important, celui de bloquer complètement ce processus ? »

Gilles Yabi : « Oui, il prend un risque important. Il faut aussi remarquer qu'il a aussi reconduit le Premier Ministre. Au fond, il essaie de prendre une décision qui ne constituerait pas une violation flagrante de tout l'accord politique d'Ouagadougou, puisque le Premier Ministre Soro est maintenu. Il est chargé de former un nouveau gouvernement et donc il maintient un peu une alliance objective avec le Premier Ministre Soro, issu des Forces Nouvelles. Tout en essayant de minimiser, disons, le rôle des partis de l'opposition dans l'organisation du scrutin électoral. »

RFI : « Cette opposition parle de coup d'état. Elle dit ne plus reconnaître Laurent Gbagbo, est-ce que cette opposition a les moyens de sa politique. Est-ce que sa position est tenable ? »

Gilles Yabi : « Je crois, à nouveau, que le Président Gbagbo en prenant sa décision s'attendait aux réactions, à la fois en Côte d'Ivoire de la part de ses opposants et aussi au poids et aux réactions de la communauté internationale. Donc, il a aussi préparé, on peut s'imaginer, qu'il préparé sa riposte et donc on s'attend, au cours des prochains jours et des prochaines semaines, à un certain nombre de médiations qui vont peut-être empêcher ou prévenir des violences qui seraient liées effectivement à des manifestations de l'opposition dans la rue. »

RFI : « Vous semblez penser Gilles Yabi que Laurent Gbagbo anticipe quand même un retour de cette opposition politique à la table des négociations, sans doute via la médiation burkinabé ? »

Gilles Yabi : « Je crois qu'à nouveau le Président Gbagbo n'a pas décidé de rejeter l'accord politique d'Ouagadougou. Il n'a pas rejeté la facilitation entreprise par le Président burkinabé Blaise Compaoré. Il en a sans doute besoin. Il sait qu'il est observé. »

RFI : « En attendant, Guillaume Soro est chargé de former un nouveau gouvernement. Quelle est sa marge de manœuvre ? »

Gilles Yabi : « Guillaume Soro est dans une situation inconfortable puisque effectivement il doit former un gouvernement, tout en restant accepté lui-même dans sa position par tous les acteurs politiques, y compris les acteurs de l'opposition. Je crois donc que le Président Gbagbo ne la met pas dans une situation facile. J'imagine le Président Compaoré va se réinvestir, également. Je pense qu'il y a un sommet des chefs d'état de la CEDEAU qui est prévu dans les prochains jours, qui va sans se saisir de cette question-là. Je pense que Guillaume Soro ne va pas être le seul à former ce gouvernement. Cela va, sans doute, être le résultat un peu d'une solution politique qu'il pourrait trouver, peut-être pas rapidement, par, à la fois les acteurs politiques ivoiriens, mais aussi sous la pression des acteurs de la région et des acteurs internationaux »

RFI : « Est-ce que Guillaume Soro a le soutien de son propre camp ? Est-ce toutes les Forces Nouvelles sont unies derrière lui ? »

Gilles Yabi : « Je crois que les intérêts des Forces Nouvelles aujourd'hui c'est d'une part, l'intérêt politique de Guillaume Soro et peut-être de son entourage politique immédiat à Abidjan, issu des Forces Nouvelles. Mais, c'est aussi d'autre part, les intérêts qui sont ceux des commandants des Forces Nouvelles qui sont sur le terrain et qui ne sont pas nécessairement les mêmes que l'intérêt politique de Guillaume Soro. »

RFI : « Donc il va devoir négocier aussi avec son propre camp ? »

Gilles Yabi : « Absolument.

RFI : Merci, Gilles Yabi. »