Les Projets de réinsertion communautaires : une perche pour les ex-combattants

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27 aoû 2014

Les Projets de réinsertion communautaires : une perche pour les ex-combattants





Aimée Ouluzon, Laure Oulai et Olga Séa s'activent en même temps que les hommes pour finir la rigole qui doit contenir le tuyau devant acheminer l'eau du ruisseau dans les étangs piscicoles. Non obstant leur statut de femmes, les trois jeunes dames buchent sans retenue, n'hésitant pas à mettre les mains dans le cambouis. Dans le village de Bedy-Goazon (environ 550 km à l'ouest d'Abidjan), elles font partie des 25 ex-combattants qui ont décidé de s'adonner à la pisciculture dans le cadre des Projets de réinsertion communautaire (PRC) financés par l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI).



Après une formation d'un mois sur le site de resocialisation de Bouaflé qui leur a permis de recevoir des notions en droits de l'Homme, en civisme, sur les violences basées sur le genre (VBG) et une assistance psychosociale, les bénéficiaires ont démarré la phase pratique du projet en juillet 2014.



Cette opportunité de se prendre en charge, elles l'ont saisie sans hésiter lorsque la première phase des Projets de réinsertion communautaire a été lancée. « Avant la crise, je n'avais aucune notion de pisciculture, mais maintenant ça va, j'apprends vite et avec le groupe tout se passe bien », confie Aimée Ouluzon. « Je veux contribuer aussi aux charges de mon foyer parce qu'avant, c'est mon mari qui faisait tout. Maintenant, je me sens utile », affirme pour sa part Laure Oulai, avec un sourire franc.



Le groupe de 25 ex-combattants est bien structuré vu que le financement est commun. Ainsi, ils se sont choisis un président en la personne de Joël Botingny. Olga Séa assure la trésorerie et Germain Goua est au poste de commissaire aux comptes.



Quand on leur demande les raisons pour lesquelles ils ont adhéré aux PRC

alors que nombre de leurs camarades préfèrent les projets individuels, c'est le Président Botingny qui répond : « quand tu es seul, tu te crois tout permis avec l'argent et il n'y aucun contrôle. Ça peut te pousser à gaspiller ton financement. Alors qu'avec le groupe, nous sommes tous obligés d'être corrects ; les membres sont vigilants et on se surveille mutuellement pour ne pas dévier ».



Les ex-combattants sont assistés dans leurs travaux par un spécialiste de la pisciculture, Hervé Mahan, un homme expérimenté qui fait ce métier depuis 1999 avec les projets BAD-Ouest. Ils bénéficient également des conseils du Coordonnateur régional de l'ONG ODAFEM (Organisation pour le Développement des Activités des Femmes), Stéphane Djegba, chargé de la mise en œuvre des PRC. « Nous avons un groupe dont la motivation est allée au-delà de nos espérances. C'est un facteur de satisfaction. Nous allons les assister jusqu'à la première vente des produits et après ils seront autonomes », souligne-t-il.



Les ex-combattants de Bedy-Goazon ont aussi tout le soutien des habitants du village, avec à leur tête le Chef Jean-Luc Yoroneho. « C'est une aubaine que les jeunes gens ont eue et je ne peux que les encourager. Avec ce projet de pisciculture, ils seront plus utiles au village et vont créer de la richesse », se réjouit-il.



Évoquant les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien, les futurs pisciculteurs parlent surtout du montant alloué par chaque bénéficiaire dans la première phase des PRC. « Nous avons accepté de recevoir 600.000

francs alors que nos amis de la deuxième phase recevront 800.000 francs. Nous plaidons pour que l'ONUCI et son partenaire l'ADDR} (Autorité pour le Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration) {revoient notre montant à la hausse pour être au même niveau que nos amis

», fait remarquer Germain Goua.



Cette préoccupation pourrait avoir un début de solution avec la tournée d'évaluation de la première phase des PRC menée le 21 août dernier, conjointement par le Coordonnateur national des projets à l'ONUCI, Richard Feukeu, et le point focal des PRC au sein de l'ADDR, William Poin. « L'ONUCI et son partenaire l'ADDR ont bien noté la remarque relative à la différence du montant par ex-combattant entre la phase 1 et la phase 2. Nous nous concerterons pour faire une recommandation sur la question. Cependant, j'encourage les bénéficiaires à s'investir effectivement dans les projets pour leur réussite », a souligné Richard Feukeu.



Autre destination, autre décor. À Guiglo, dans le quartier ''Nicla'', le Président du groupe, Hyppolite Louan, et ses 9 camarades ont eux, préféré l'élevage de poulets. La construction de leur ferme est en voie d'achèvement

et les formations sur l'élevage s'accélèrent, vu que les premiers poussins seront bientôt disponibles. Ici, c'est l'ONG Terre d'Esperance qui se charge de l'encadrement et de la mise en œuvre du projet. Une organisation hiérarchisée a également été mise en place par les ex-combattants.



La pérennisation des projets reste un véritable défi, aussi bien pour les ex-combattants que pour leurs encadreurs. A ce sujet, les ex-combattants semblent avoir tiré les enseignements des expériences précédentes, si l'on en croit Fabien Litto Sekala du quartier ''Nicla''. « L'ONUCI et les autres ONG ne seront pas toujours là pour nous soutenir. C'est pourquoi, nous nous donnons des conseils pour une bonne gestion des projets. Un jour, chaque membre du groupe voudra avoir sa propre ferme, grâce aux revenus du projet », déclare-t-il.







Les ONG de mise en œuvre entendent pour leur part assister les bénéficiaires le plus longtemps possible, dans la mesure de leurs disponibilités. « Nous sommes un peu en concurrence entre partenaires d'exécution. Il nous appartient de nous investir pour que le plus grand nombre de projets réussissent. Il y va de notre crédibilité future », nous confie le Superviseur des projets à l'ONG Terre d'Espérance, Joachim Goulei.



Côté chiffres, il faut noter que la première phase des PRC a permis de financer huit projets communautaires au profit de 250 ex-combattants pour l'ensemble du pays. Guiglo et Duekoué ont bénéficié de sept projets, destinés à 210 ex-combattants, pour la pêche, la pisciculture, l'élevage de poulets, de porcs, de cabris ; la quincaillerie, une chambre froide. La deuxième phase prendra en compte 71 projets pour un effectif de 1.176 personnes sur toute l'étendue du territoire ivoirien.