La communauté internationale n’est pas en cause dans les retards du processus de sortie de crise, selon Georg Charpentier, Coordonnateur humanitaire

18 mai 2008

La communauté internationale n’est pas en cause dans les retards du processus de sortie de crise, selon Georg Charpentier, Coordonnateur humanitaire

Abidjan, le 18 Mai 2008...La disponibilité des fonds annoncés par la communauté internationale n'est pas une entrave à la mise en œuvre des initiatives du programme de sortie de crise, a déclaré samedi 17 mai, dans une interview à ONUCI FM, le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire, Georg Charpentier. Voici un large extrait de cette interview.

ONUCI.FM: Georg Charpentier, bonjour! Beaucoup de discours et peu d'actions, pourrait-on dire de la communauté internationale autour du financement du processus de paix. Comment expliquez cela : M. Choi a annoncé 115 milliards Fcfa récemment et le Premier ministre lui, lance un cri d'alarme. Alors qu'est ce qui bloque ?

GEORG CHARPENTIER (GC) : Je voudrais tout de suite clarifier et dire qu'on ne peut pas dire qu'il y a peu d'action au niveau de la communauté internationale. Les contributions financières de la communauté internationale sont déjà disponibles et déboursés tous les jours en Côte d'Ivoire, depuis la tenue de la table ronde et même bien avant. Une partie des fonds sur les 115 milliards FCFA sont en cours de déboursement.

ONUCI FM : Pour vous, il y a donc des actions ?

GC : Absolument, absolument ! Le système des Nations Unies intervient depuis l'année dernière sur le terrain dans la réhabilitation communautaire sur des programmes inclus dans le programme de sortie de crise. L'Union Européenne aussi finance des réhabilitations dans le cadre du programme de sortie de crise. On soutient les actions de regroupement sur le plan financier. Il y a quatre centres de regroupement qui ont été réhabilités et qui ont été mis à la disposition de ce programme, qui a démarré récemment. Au niveau des audiences foraines, l'Union Européenne a déboursé pas mal de fonds pour soutenir le processus. Au niveau du processus électoral, côté CEI, Cela commence maintenant et les fonds existent dans le panier de fonds. Il n'y a pas lieu de dire qu'il n'y a pas d'action de la part de la communauté internationale.

ONUCI FM : Aujourd'hui, M. Charpentier, combien y a t-il dans le ''basket fund'' ?

GC : C'est une question pertinente. Je pense qu'il y a lieu de clarifier surtout au niveau de l'opinion publique de la Côte d'Ivoire, la différence entre les engagements financiers qui sont déjà disponibles sous forme de liquidité et ceux qui sur ces engagements financiers sont déjà déboursés ou ont déjà été déboursés. Donc il y a ces trois catégories qui sont distinctes et qui ensembles font le montant qui a été annoncé. Par exemple une chose qu'il faut aussi clarifier, c'est que, quand on parle de basket-fund, notamment pour le programme de sortie de crise, ce panier de fonds (basket-fund) qui est géré par le PNUD, ne constitue qu'une modalité de réception de fond et de modalité de déboursement parmi d'autres. En ce qui concerne les élections -processus électoral et CEI (Commission Electorale Indépendante), le basket-fund géré par le PNUD est l'instrument unique pour le processus électoral. Les fonds engagés par les bailleurs de fonds ont commencés à rentrer dans le basket-fund et les disponibilités financières liquides ne constituent pas une entrave à la mise en œuvre des initiatives dans le programme de sortie de crise.

ONUCI FM : Quels sont les secteurs qui seront financés par les bailleurs de fonds ?

CG : On a une idée assez large. Je dois dire que ce qui est assez positif dans le dialogue avec les bailleurs de fonds, c'est qu'ils ont été assez souple dans l'attribution des fonds destinés au programme de sortie de crise et au processus électoral. De manière à ce qu'au fur et à mesure que les programmes se mettent en place, il a été ou il va être assez facile d'allouer les fonds d'une catégorie à une autre. Dans notre cas, je pense que les bailleurs de fonds n'ont pas été trop exigeants rapport au ciblage des fonds qu'ils ont mis dans le basket fund. Je voudrais réitérer ici qu'en début d'année - et je voudrais saluer encore l'action du Premier ministre dans ce sens - il a mis en place une plate-forme qui est le comité technique de supervision et de suivi qui met ensemble les principales institutions responsables de la mise en œuvre du programme de sortie de crise avec les principaux bailleurs de fonds. Cette plate forme a été mise en place sous le leadership du Premier ministre justement pour harmoniser les attentes de ces institutions avec les disponibilités au niveau des bailleurs de fonds. Une des actions premières et concrètes de ce comité technique de supervision et de suivi a été d'élaborer un tableau de bord qui reprend le budget du programme de sortie de crise et les engagements des différents bailleurs de fonds qui doivent nous aider à bien identifier les gap financiers actuellement disponibles. Ce tableau de bord est en cours de finalisation et devrait être présenté à la prochaine réunion qu'on attend du comité technique de supervision et de suivi.

ONUCI FM : Les intentions existent au niveau des bailleurs de fonds. Mais entre ces intentions et les décaissements, quel parcours du combattant. Il n'y a-t-il pas un dialogue de sourd entre vous et le gouvernement ?

CG : Je pense qu'il y a un dialogue constructif entre nous et le gouvernement. Il y a des efforts qui sont fait de part et d'autres. Et la question du financement, des montants disponibles, de qui finance quoi et la disponibilité au niveau du budget de l'Etat, tout cela devient progressivement plus claire. On a un discours beaucoup plus claire entre nous et pas du tout un dialogue de sourd. Il y a peut être une difficulté au niveau de l'opinion publique de comprendre techniquement comment tout cela marche. Et je dois dire que c'est une difficulté tout à fait justifiée parce que ce n'est pas du tout facile pour un gouvernement de gérer un processus de sortie de crise ou dans une période relativement court on doit financer un ensemble d'initiatives, en même temps et pas de manière séquentielle ou selon un programme plus long. En même temps, plusieurs initiatives qui coutent beaucoup d'argent et qui impliquent quinze à vingt bailleurs de fonds qui, chacun a ses propres procédures pour lesquelles il faut signer des conventions et faire des décaissements, etc. Donc ce n'est certainement pas un processus simple à gérer au niveau du gouvernement, mais je dirai qu'au stade où on est, il n'y a plus de dialogue de sourd, on a un dialogue très constructif avec le bureau du Premier ministre et l'ensemble du gouvernement. (...)

ONUCI FM : Avec les retards constatés dans le démarrage de certains chantiers du programme de sortie de crise comme l'identification, si le 30 novembre de cette année, il n'y a pas d'élections n'est-on pas en droit de dire que la communauté internationale n'a pas joué franc jeu, comme on entend déjà dire de la part des autorités?

GC : C'est un discours qui inclut beaucoup d'éléments et on pourrait en débattre pendant longtemps. Je pense qu'on doit pouvoir de mon côté tirer une appréciation qui est que jusqu'à présent je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est le manque de financement ou le manque d'engagement de la communauté internationale qui est à la base du retard ou qui est une base potentielle de retard dans le calendrier du processus de sortie de crise.

ONUCI FM : A vos yeux qu'est ce qui explique ces retards ?

CG : Ecoutez, si on commence à éplucher et à regarder tous les différents processus qui sont liés à cette sortie de crise, de l'identification à l'aspect sécuritaire, en passant par l'appui aux victimes de guerre, à la stabilisation des personnes déplacées de guerre et au redéploiement de l'administration dans les zones Centres Nord et Ouest (CNO) et si on épluche chacune de ces composantes avec tous les défis que cela comporte, on peut bien comprendre que c'est un processus qui ne peut avancer sans difficultés. On peut donc comprendre qu'il y a des difficultés techniques et logistiques qu'il faut surmonter et on peut bien comprendre et expliquer certains retards dans ce processus.

ONUCI FM : Le message des bailleurs de fonds au gouvernement !

CG : Le message que je voudrais réitérer c'est que je suis content que lundi, on aura notre prochaine réunion du comité technique de supervision et de suivi. Il faut que ce dialogue continue, qu'on continue à ouvertement expliquer nos processus respectifs. Ce n'est que dans le cadre d'un échange transparent, ouvert, constructif et assez fréquent que nous pouvons surmonter certaines incompréhensions et en conséquence mettre ensemble les efforts internes et externes de la manière la plus cohérentes et harmonisée possible pour accélérer et appuyer ce processus.

ONUCI FM : Georg Charpentier, je vous remercie !

CG : Merci