Général Talla Niang: « la Côte d'Ivoire a fait beaucoup de progrès en deux ans »

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6 mar 2014

Général Talla Niang: « la Côte d'Ivoire a fait beaucoup de progrès en deux ans »

Fin de mission pour le Commandant adjoint de la Force onusienne en Côte d'Ivoire. Après près de quatre ans de bons et loyaux services au sein de la Force des Nations Unies en Côte d'Ivoire, le Général de division Talla Niang a reçu les hommages de ses collègues et la reconnaissance de la Mission onusienne, le mardi 4 mars 2014, en présence du Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire chargé de l'Etat de droit et du Chef d'Etat-major des Forces Républicaines de Côte d'Ivoire. Dans un entretien accordé à ONUCI FM, le Commandant adjoint de la Force de l'ONUCI revient sur sa carrière militaire et son séjour ivoirien.



ONUCI FM: {Mon Général, bonjour. Une page de votre carriere au sein des Nations Unies se tourne. Quelle est cette page qui se tourne aujourd'hui ?}



Général Talla Niang: La page qui se tourne aujourd'hui est une page qui a été écrite depuis quarante-trois ans. J'ai commencé avec l'armee sénégalaise en 1971. J'ai commencé avec les Nations Unies en 1978 au Liban. Depuis, lors bien de choses se sont passées dans mon pays et également hors de mon pays, en Gambie, en Centrafrique, au Burkina Faso au Congo et aujourd'hui en Côte d'Ivoire. Je remercie Dieu de m'avoir donné cette chance, d'avoir eu l'opportunité de rencontrer tellement de personnes, de gens importants et différents. Je crois que ça a été ma meilleure école, cette page active qui se tourne, parce que je vais à la retraite. Mais je crois que je vais continuer de me rendre utile, en dehors de la tenue militaire, de l'autre côté.



ONUCI FM : {Mon Général, vous mettre au service des autres, qu'est-ce que vous en retenez ?}



Général Talla Niang: Le sacerdoce du militaire par définition, quand on fait le serment de se mettre au service de la défense des autres d'hommes, d'enfants et de femmes qui ne vous connaissent pas et pour lesquels vous êtes prêts à donner votre vie, il n'y a pas de métier plus beau que celui-là. C'est le sens même du sacerdoce.



ONUCI FM : {Il y a eu parfois des moments de doute, même des moments de peur....}



Général Talla Niang: Oui, la vie du militaire est ponctuée de cela. Par définition, la vie du militaire est volatile et imprévisible. Elle peut surprendre et dans ces moments d'engagement militaire, comme je l'ai eu à l'exercer dans ma carriere, il y a eu des moments de grand danger, des moments de peur parce que tout être humain peut avoir peur. D'ailleurs, la définition du courage c'est le fait de pouvoir maitriser sa peur et de pouvoir avancer.



ONUCI FM : {Que retenez-vous des quatre années passées ici en Côte d'Ivoire ?}



Général Talla Niang: En Côte d'Ivoire, j'ai passé un peu plus de neuf ans. La première partie de ces années, je l'ai passée en tant que diplomate en servant les relations entre mon pays et la Côte d'Ivoire. J'ai eu à animer le Club des attachés de défense en Côte d'Ivoire. Cela a été une très belle expérience, une très belle initiative, enrichissante, surtout pendant cette période de crise qui s'annonçait déjà. Ensuite l'autre partie, c'est celle des Nations Unies. Quand j'ai quitté la diplomatie, je suis venu aux Nations Unies, j'ai eu la chance

de gravir beaucoup d'échelons. J'ai été d'abord un Commandant de groupe de coordination d'actions militaires à Abidjan. J'ai eu la chance d'être désigné le Commandant de la Task force du Golf hôtel. J'ai été le Commandant du premier secteur multinational créé pour Abidjan et enfin adjoint au Commandant de la Force de l'Opération de Nations Unies en Côte d'Ivoire ; ce qui était quand même la consécration d'une carrière et dans ces jours où la retraite de l'armée m'a trouvé en service au Nations Unies.



ONUCI FM : {Qu'est-ce que vous retenez de la crise postélectorale ? }



Général Talla Niang : Beaucoup de tristesse, beaucoup de gâchis, beaucoup de peine qu'on pouvait éviter au sein du pays. Je voudrais retenir cette capacité du peuple ivoirien de se remettre debout. Eux deux ans, ce pays a fait d'énormes progrès que des pays qui ont traversé les mêmes crises n'ont pas fait en dix ans. Il faut souligner le génie de ce peuple, de ces hommes, de ces femmes à se relever et à se remettre à l'essentiel. Beaucoup reste à faire mais on est sur la bonne voie. C'est ce que je veux retenir de positif ; retenir aussi ce que les Nations Unies ont fait dans ce pays, à savoir exécuter leur mandat jusqu'au bout, avoir la responsabilité des élections, la responsabilité de la certification et agir pour faire appliquer le verdict des urnes. C'est la première fois que l'on voyait cela dans l'histoire des Nations Unies et cela aussi il faut le retenir comme une très grande leçon de l'efficacité des Nations Unies.



ONUCI FM : {Général Talla Niang, en matière de sécurité, quels sont les prochains défis de la Côte d'Ivoire ?}



Général Talla Niang : Le pays a fait beaucoup de progrès en deux ans. Ceux qui ont connu ce pays aux lendemains des élections, s'ils revenaient maintenant, je pense qu'ils croiraient rêver. Tout a changé. Il n'y a plus de barrages, il n'y a plus d'arrestations. Cependant, il ne faut pas surestimer ces progrès et dormir sur ses lauriers. La preuve, la dernière attaque à l'ouest montre qu'il est possible que ce fragile équilibre puisse être en danger. Je voudrais encourager les hommes

et les femmes responsables au niveau politique et ceux en charge de la sécurité, à ne pas baisser la garde et à travailler pour la réconciliation nationale. Qu'ils accélèrent le désarmement. Je voudrais enfin encourager les actes économiques qui sont en cours et qui vont donner de l'emploi et l'espoir à cette jeunesse qui a besoin de travailler.



ONUCI FM : {Qu'est-ce que vous allez faire de ces quarante-trois années d'expérience ?}



Géneral Talla Niang : Généralement, quand on va à la retraite, le premier souci c'est de se dire qu'on va se reposer parce que c'est fait pour. Après on verra... Mais il y a aussi des devoirs de rendre compte de ce qu'on a fait de sa vie, de témoigner. Peut-être qu'un jour, je témoignerai dans un livre ou dans l'enseignement.



ONUCI FM : {Général Niang, je vous remercie !}



Général Talla Niang : C'est moi qui vous remercie !



{(Propos recueillis par Ben Diakhité)}