Il s'appelle Victorien Droh. Sa particularité ? Il ne veut plus de remous durant les joutes électorales prévues en Côte d'Ivoire en 2015 et il se bat pour une chose : contribuer, par ses propres moyens, à faire reculer la violence dans son Toumodi natal, localité du centre de la Côte d'Ivoire, située à 200 km d'Abidjan.



Récemment, à l'occasion d'une activité de sensibilisation organisée par l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), ce jeune homme de 32 ans, par ailleurs Président des jeunes du quartier Rombo, n'a pas manqué de faire part de son projet. L'idée de contribuer à maintenir un climat de paix à Toumodi a germé en lui après la crise de 2010. « En 2010, des jeunes se sont affrontés ici à Toumodi tout simplement parce qu'ils n'étaient pas la même obédience politique, occasionnant de nombreux blessés et une profonde fracture de la cohésion sociale. Personnellement, j'ai eu la vie sauve grâce à un militant modéré d'un parti politique adverse », raconte-t-il. « Pourquoi tant de violence ? Pourtant, nous nous connaissons parfaitement, sommes tous nés à Toumodi, nous avons été dans les mêmes écoles ! », regrette le jeune homme.



Victorien Droh va définitivement se convaincre de sa mission après avoir participé à une formation sur le respect des droits de l'Homme, organisée par le Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme (MIDH), avec l'appui de l'ONUCI. Ainsi, depuis le mois de mars 2015, le Président des jeunes du quartier Rombo, avec le soutien de certains de ses amis, multiplie les rencontres avec les jeunes issus des différents quartiers de Toumodi, en vue de mieux faire connaissance et de les encourager à mettre en avant les idées au détriment de la violence.



« Malgré mes maigres moyens, je veux me rendre utile. Je veux amener les jeunes à comprendre que la priorité doit être notre avenir et non nous adonner à la violence, sur la base des promesses jamais tenues des politiciens. En juillet dernier par exemple, nous avons, avec l'appui de certains ainés, organisé un tournoi de Marcana qui a réuni pratiquement toute la jeunesse de Toumodi. Cela a été pour nous un test. Durant tout le tournoi, il n'y a eu aucune bagarre. Les équipes perdantes ont accepté leur défaite avec fair-play ; ce qui signifie que notre message de non-violence a été compris », se félicite-t-il.



Depuis l'ouverture, le 9 octobre 2015, de la campagne pour la présidentielle, Victorien et certains de ses amis dont le Président de la jeunesse communale Koffi Olivier, sont à la tâche. « Les directions de campagne des différents candidats nous sollicitent pour des rencontres. Avant cela, nous prenons le soin de nous retrouver entre nous présidents des jeunes des différents quartiers, afin d'accorder nos violons », explique-t-il. Un seul mot d'ordre, ajoute Victorien : « que prévoient-ils pour notre insertion professionnelle ? Certains quartiers étant plus grands que d'autres, nous formons de petits groupes de deux ou trois personnes afin de mettre les autres jeunes au même niveau d'information. L'idée est que tous les jeunes posent la même question afin d'amener ces politiciens à nous prendre au sérieux ». La veille, ils étaient au quartier Binava, le lendemain, ils ont prévu se rendre au quartier Lycée. « Nous comptons faire le tour de tous les quartiers avant le jour du scrutin », promet-il.



Ces activités menées par Victorien Droh et ses amis constituent une bonne initiative, estime Marion Arnaud du Bureau des Affaires civiles l'ONUCI à Bouaké, qui a fait sa connaissance lors d'une activité de sensibilisation organisée par la Mission onusienne à laquelle il avait pris part. C'est une bonne chose que les jeunes sensibilisent pour des élections apaisées et s'approprient le processus de réconciliation, ajoute-elle. « Ils pourront assurer la relève après le départ de l'ONUCI », indique Mme Arnaud. Elle souhaite que le Corps préfectoral les soutienne dans ce genre d'initiative.



Souhait entendu ? Déjà, le projet de Victorien Droh est fortement apprécié par le Préfet de Toumodi, Gando Coulibaly qui encourage la jeunesse ivoirienne à poursuivre dans cette lancée. « La paix dans un pays dépend de la jeunesse. Il suffit qu'elle dise non à la violence et la paix s'établira durablement. Je vous exhorte donc à poursuivre ce noble combat », conclut-il.

Anicet Bekrou