Déclaration de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire, Mme Aïchatou Mindaoudou (New York, le 13 janvier 2016)

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13 jan 2016

Déclaration de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire, Mme Aïchatou Mindaoudou (New York, le 13 janvier 2016)







Monsieur le Président, Distingués membres du Conseil de sécurité,





-1. Je vous remercie pour l'opportunité que vous m'offrez de présenter devant le Conseil, le rapport du Secrétaire général sur la situation en Côte d'Ivoire et d'informer votre Conseil des développements majeurs récents intervenus dans le pays, y compris en ce qui concerne l'élection présidentielle du 25 octobre ainsi que des défis qui restent encore à relever.





-2. Depuis ma dernière présentation devant le Conseil de sécurité, la Côte d'Ivoire a relevé un grand défi, celui de l'organisation de l'élection présidentielle. Le peuple de Côte d'Ivoire a voté pacifiquement et a réélu le Président Alassane Ouattara pour un second mandat.





-3. L'organisation de ce scrutin dans un climat apaisé donne au peuple de Côte d'Ivoire l'occasion de tourner définitivement la page de la crise, de commencer un nouveau chapitre de l'histoire du pays et de consolider les acquis pour une stabilité durable. En dépit du retrait de trois candidats, de l'arrestation et de la détention de plusieurs personnes qui ont organisé des regroupements politiques et des manifestations non autorisés, les autorités nationales, y compris les forces de sécurité, ont démontré leur capacité à prendre en charge la sécurité du processus électoral. Je voudrais saisir cette opportunité pour féliciter, encore une fois, la Commission Electorale Indépendante pour les efforts qu'elle a déployés afin que ce scrutin présidentiel se déroule sans dysfonctionnements majeurs. Je voudrais également remercier l'ensemble des partenaires bilatéraux et multilatéraux pour leur appui technique, financier et logistique.





-4. Durant la période qui a précédé l'élection présidentielle du 25 octobre, dans le cadre de la mise en œuvre de mon mandat de bons offices, le Gouvernement et les partis de l'opposition ont effectivement repris le dialogue, ce qui a également contribué à la création d'un environnement favorable à la tenue d'une élection apaisée. Je voudrais saluer les efforts du Gouvernement de Côte d'Ivoire qui a répondu, dans ce sens, aux exigences de l'opposition, avant l'élection présidentielle. La mise en œuvre du mandat de la Mission et celle des bons offices ont permis de d'obtenir, à travers des plateformes dédiées, l'engagement de la société civile, des Chefs traditionnels, des Chefs religieux, des Chefs de communautés, des groupes de jeunes et des associations de femmes à œuvrer sans relâche pour la création d'un environnement favorable à la tenue d'une élection présidentielle libre et démocratique. À cet égard, le mérite revient donc au peuple ivoirien.





-5. Monsieur le Président, aujourd'hui, la Côte d'Ivoire est la deuxième économie de l'Afrique de l'Ouest. La reprise économique est remarquable dans le pays, on peut donc fonder l'espoir que les populations ivoiriennes jouissent pleinement des dividendes de cette croissance économique. Cependant, la réconciliation nationale n'avance pas au même rythme que la reprise économique. À cet égard, je me réjouis du discours prononcé par le Président de la République dans lequel il a fait part de sa détermination à faire de la réconciliation nationale la priorité de son second mandat. Dans la foulée, le 7 décembre 2015, le Président Ouattara a débuté des consultations sur ce sujet avec le Directoire de la Chambre des Rois et Chefs Traditionnels de la Côte d'Ivoire. Le 8 décembre 2015, il a également rencontré les Chefs religieux, les représentants de la Commission Nationale pour la Réconciliation et l'Indemnisation des Victimes des crises survenues en Côte d'Ivoire. Suite à ces consultations, une grâce a été accordée environ 3100 prisonniers, y compris certains prisonniers de la crise postélectorale. Par ailleurs, le Gouvernement de Côte d'Ivoire a décidé de continuer le processus d'indemnisation des victimes. J'appelle le Gouvernement ivoirien à rendre public le rapport de la Commission Dialogue Vérité Réconciliation, comme l'avait préalablement demandé le Conseil de sécurité dans sa résolution en 2226 (2015).





-6. En ce qui concerne les poursuites des auteurs présumés de crimes commis pendant la période post-électorale, les progrès restent encore timides. J'encourage le Gouvernement à veiller à ce que les enquêtes menées par la Cellule Spéciale d'Enquête et d'Instruction soient conduites à leur terme afin de créer les conditions pour juger toutes les personnes qui seront reconnues coupables d'abus et de violations graves des droits de l'Homme, sans préjudice de leur appartenance politique.





-7. Monsieur le Président, il convient de relever la participation accrue des femmes dans les forums et séminaires organisés dans le pays. Que ce soit en tant que représentantes de leurs partis politiques ou pour s'exprimer sur des questions d'intérêt national, cette tendance augure de l'augmentation de la participation des femmes dans les élections à venir et ultérieurement dans les processus de prises de décisions. Il convient de relever la volonté du Président de faire de l'autonomisation des femmes une priorité de son second mandat. Beaucoup d'efforts ont été déployés dans le cadre de la prévention des abus sexuels et de la violence basée sur le genre, ainsi que pour la prise en charge des victimes. Mais les poursuites à l'encontre des auteurs sont encore timides. Le renforcement du système judiciaire pour la prise en compte de ces cas, de façon adéquate et dans les délais requis, est essentiel afin de mettre définitivement un terme à ces comportements.





-8. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil, assurer la sécurité sur toute l'étendue du territoire national pendant le processus électoral représentait un test pour les forces de sécurité ivoiriennes. Malgré certaines insuffisances, la police nationale, la gendarmerie et les forces armées ont relevé le défi. Pour soutenir cette dynamique, il est important que la loi sur l'organisation du secteur de la défense et des forces armées de Côte d'Ivoire, adoptée le 9 mars par l'Assemblée nationale, soit promulguée. Cette loi consacre des avancées importantes dans la réforme du secteur de sécurité, plus particulièrement en matière de professionnalisation et de responsabilité. En outre, les efforts pour réduire l'inégalité du genre et pour restaurer la confiance avec la population doivent être maintenus.





-9. Le programme de désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants a été finalisé tel qu'il avait été planifié par le Gouvernement de Côte d'Ivoire. Néanmoins, l'appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux sera encore nécessaire pour soutenir les programmes de réinsertion destinés aux ex-combattants résiduels, avec l'objectif de transformer cette réinsertion en une réintégration à long terme.





-10. Monsieur le Président, la situation sécuritaire en Côte d'Ivoire, bien qu'encore émaillée par quelques incidents violents, demeure stable et la tendance à la baisse de ce type d'incidents, notée depuis le dernier rapport du Secrétaire général se poursuit. Pendant la période électorale, aucun incident sécuritaire n'a été rapporté ni par les populations ni par les candidats. Toutefois, les vols à main armée, les actes de banditisme ainsi que les menaces d'attaques terroristes continuent de représenter des défis. Une attaque revendiquée par le groupe terroriste Ansar Dine, au sud du Mali, près de la frontière ivoirienne a amené le Gouvernement à déployer ses forces de sécurité le long de la frontière avec ce pays. Dans ce même cadre, l'ONUCI a déployé sa force de réaction rapide, entre juin et juillet, le long de la frontière, en appui aux opérations des Forces Républicaines de Côte d'Ivoire. Des menaces d'attaques transfrontalières continuent à être enregistrées, particulièrement le long de la frontière libérienne où l'attaque la plus récente de deux postes des Forces Républicaines de Côte d'Ivoire, le 2 décembre 2015, s'est soldée par la mort de sept soldats des Forces Républicaines de Côte d'Ivoire et quatre blessés parmi les assaillants. A la frontière avec le Ghana, une attaque sur un poste des Forces Républicaines de Côte d'Ivoire, intervenue le 27 décembre, a entraîné l'arrestation de deux individus. Elle n'a fait aucun autre dégât. Le Gouvernement est de plus en plus en mesure de faire face aux menaces sécuritaires immédiates ou latentes, tant au plan interne qu'externe. Toutefois, son efficacité dépend de l'équipement adéquat de la police, des forces de sécurité et de l'armée.





-11. La frontière entre la Côte d'Ivoire et le Libéria demeure toujours fermée en raison des précautions prises à l'époque contre l'épidémie à virus Ebola. Toutefois, la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL) et l'ONUCI ont continué à partager des informations. Les corridors humanitaires ont également été ouverts, les 18 et 22 décembre 2015, afin de permettre la reprise du rapatriement volontaire des réfugiés ivoiriens du Libéria avec l'appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Liberia, M. Zarif et moi-même, avons été témoins du départ et de l'arrivée des réfugiés, le 18 décembre 2015.





-12. Monsieur le Président, conformément à la Résolution 2226 (2015), l'effectif autorisé de la composante militaire de l'ONUCI se situe aujourd'hui à 5437 militaires et 1500 agents de police. Compte tenu de l'organisation réussie de la présidentielle de 2015, de la situation sécuritaire qui s'améliore sur le terrain et de l'aptitude du Gouvernement ivoirien à assumer de plus en plus la mission de sécurité dans le pays, l'ONUCI est à même de mettre en œuvre les points contenus dans le paragraphe 65 du rapport du Secrétaire général du 15 mai 2014 (S/2014/342). Ce qui entrainera une réduction de la Force de l'ONUCI qui sera ramenée à un peu moins de 4000 troupes au 31 mars 2016. La mission de la revue stratégique, prévue en février, formulera des recommandations sur la réduction additionnelle des effectifs militaires et de la police ainsi que sur le futur de la Mission tel que recommandé par le Conseil de sécurité.





-13. Monsieur le Président, la Côte d'Ivoire a certes organisé avec succès l'élection présidentielle et la situation sécuritaire s'est améliorée dans le pays. Il n'en demeure pas moins que des défis subsistent encore. La poursuite du processus de réconciliation nationale, le renforcement du secteur de sécurité, en particulier la réforme de l'armée et de la police ; la réinsertion et la réintégration durable des ex-combattants, ainsi que l'amélioration de la situation des droits de l'Homme et la justice transitionnelle constituent des défis clefs pour la Côte d'Ivoire sur le chemin d'une stabilité durable. A ce tableau s'ajoute la tenue des élections législatives en décembre. Les institutions ivoiriennes auront la tâche d'organiser et de sécuriser un processus électoral qui impliquerait plus d'une centaine de candidats à travers tout le pays. Ces élections sont cruciales et devraient engager l'ensemble de la classe politique ivoirienne car elles constituent une opportunité pour l'opposition de participer et d'être représentée à l'Assemblée nationale, dans le cadre du libre jeu démocratique. Pour toutes ces questions, Monsieur le Président, un soutien conjugué du Conseil de sécurité, des États membres, des partenaires régionaux et internationaux, de l'ONUCI et de l'équipe pays du Système des Nations Unies demeure essentiel pour que la Côte d'Ivoire conduise sans désemparer tous ces processus clefs jusqu'à leur terme.





-14. Monsieur le Président, Distingués membres du Conseil de sécurité, je voudrais vous remercier encore pour votre soutien inestimable dans la mise en œuvre du mandat de l'ONUCI.