Compte-rendu du point de presse hebdomadaire du 18 août 2011
LA SITUATION HUMANITAIRE DEMEURE PREOCCUPANTE EN COTE D'IVOIRE MALGRE UNE DYNAMIQUE DE RETOUR
« Une dynamique de retour est en cours, mais la situation humanitaire demeure préoccupante », a annoncé jeudi 18 août 2011 à Abidjan, le Représentant spécial Adjoint du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire et Coordonateur humanitaire du Système des Nations Unies, Ndolamb Ngokwey.
S'exprimant lors du point de presse hebdomadaire de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), M. Ngokwey a fait le point des missions qu'il a effectuées récemment dans l'Ouest du pays en compagnie de certains membres du Gouvernement, notamment Gilbert Kafana Koné, Ministre d'Etat, Ministre de l'Emploi, des Affaires sociales et de la Solidarité, et Raymonde Coffie Goudou, Ministre de la Famille, de l'Enfant et de la Femme.
M. Ngokwey a précisé avoir obtenu ses informations de 420 collègues représentant 37 organisations à l'ouest. Si celles-ci sont concordantes et font état de certaines avancées, elles n'occultent cependant pas le caractère préoccupant de la situation humanitaire. Il a noté que 44323 déplacés internes étaient retournés dans leurs zones d'origine dans le Moyen-Cavally et dans la zone des Montagnes, tandis qu'à Touleupleu plus de 30% des déplacés en avaient fait de même.
« La crise humanitaire demeure préoccupante d'abord parce qu'il y a toujours des personnes en mouvement mais aussi parce qu'il continue de se poser des problèmes de protection juste pour vous donner un exemple l'insécurité qui persiste encore demeure un problème », a indiqué M. Ngokwey qui a ajouté que le 5 août 2011, à Abidjan 1000 personnes installées dans un centre religieux avaient été expulsées, démontrant ainsi le caractère préoccupant de leur situation.
M. Ngokwey a également révélé qu'une enquête du Programme Alimentaire Mondial (PAM) effectuée du 24 juillet au 5 août, avait permis de déterminer que 90% des personnes déplacées, qui étaient dans des familles d'accueil au Moyen Cavally, à Worodougou, Haut Sassandra, étaient retournées dans leurs villages d'origine et que 60% de celles qui étaient dans les familles d'accueil sont retournés au Moyen Cavally et dans la région des Montagnes. Ainsi, a souligné le Coordonnateur, l'enquête révèle qu'il est aujourd'hui aisé de voir beaucoup plus de personnes dans des zones comme Duekoué, plus spécifiquement au carrefour « Belleville », Guitrozon, Gueré, Touguéi, jadis touchées par la crise. « Il faut tout de suite signaler que ces populations continuent quand même à exprimer une préoccupation par rapport à leur sécurité, notamment en ce qui concerne certains incidents ou des exactions par des forces militaires ».
M. Ngokwey a cependant fait remarquer que le retour de l'électricité constituait un facteur de baisse de l'insécurité. Il a indiqué que si le Gouvernement et la communauté humanitaire encouragaient le retour des déplacés, celui-ci doit répondre à trois principes. « Le retour doit être volontaire, on ne peut pas forcer un déplacé à retourner. La sécurité : on ne peut pas demander à quelqu'un de rentrer à un endroit où il n'y a pas de sécurité, et finalement le troisième critère, le retour doit se faire dans la dignité. La personne qui rentre doit avoir un toit, doit avoir accès à des services sociaux de base au minimum ».
En résumé le Coordonateur a noté que 30079 personnes sont déplacées sur 48 sites sur toute l'étendue de la Côte d'Ivoire, tandis qu'au Liberia, on comptait jusqu'à hier, 171.362 refugiés ivoiriens. « Ce nombre doit être d'ailleurs augmenté légèrement. On pense qu'il est dû aussi au retard d'enregistrement. Ce n'est pas qu'il y a nécessairement beaucoup plus de refugiés, mais en tout cas il y en a plus qui se manifestent » a-t-il précisé.
Par ailleurs, le Coordonateur humanitaire a noté que l'insécurité alimentaire s'accroissait avec plus de 30 % de ménage, soit 314 300 personnes exposées à cette détresse. Une situation due au fait « qu'ils n'ont pas cultivé ni planté, que la pluie n est pas venue et à l'insécurité. Les populations nous signalent qu'elles ne peuvent pas rentrer dans leur champ parce qu'elles sont menacées », a précisé M. Ngokwey.
M. Ngokwey a ajouté que ce constat est fait notamment dans les régions du Moyen Cavally et dans la province des 18 montagnes où de mai à juillet, le taux de malnutrition est passé de 4% à 7%. Face à cette montée énorme, il a indiqué que ce problème était pris au sérieux. « La communauté humanitaire continue sa réponse de mieux en mieux coordonnée avec les agences des Nations Unies, les ONG et aussi avec le gouvernement, la présence de plus en plus active des préfets ».
Le Coordonnateur Humanitaire a révélé que le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR), avait récemment distribué dans la zone de Touleupleu et des villages environnants, 6000 kits de non-vivres incluant des couvertures, des casseroles, des nattes et des moustiquaires imprégnées. Il a cependant déploré le sous-financement de cet appui. Sur un budget total de 235 million de dollars nous n'avons pour le moment que 59 millions soit à peine 25% ».
M. Ngokwey a par ailleurs salué l'engagement du gouvernement et de la communauté internationale. Car, a-t-il fait remarquer, « la fin de la crise postélectorale n'est pas la fin de la crise humanitaire. Cette dynamique de retour doit être accompagnée et encouragée puisque chaque ivoirien qui rentre est en réalité un ambassadeur de la Paix, un ambassadeur de la réconciliation puisque son retour dans la sécurité et dans le dignité est un message aux autres pour leur dire vous pouvez rentrer la situation s'améliore », a-t-il plaidé.
Auparavant, le Porte-parole de l'ONUCI, Hamadoun Touré, avait annoncé la visite à Ouagadougou du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire, YJ Choi pour y rencontrer le Président Burkinabé Blaise Compaoré, Facilitateur du dialogue inter-ivoirien.
Le Porte-parole a précisé que M. Choi, était parti informer le Président Compaoré de la contribution de l'ONUCI aux efforts en cours pour surmonter les effets de la crise postélectorale dans le pays. Selon M. Touré, les initiatives prises dans ce domaine seront mentionnées, « notamment l'établissement des camps militaires de l'ONUCI pour aider à combler le vide sécuritaire et à rassurer davantage les populations. Ils aborderont aussi les questions relatives à la tenue prochaine des élections législatives ».
M. Choi, qui est accompagné de son nouvel Adjoint, Arnauld Akodjenou, profitera de cette rencontre pour faire ses adieux au Chef de l'Etat burkinabé. En effet, les deux personnalités avaient travaillé étroitement pendant près de quatre ans dans le cadre de la recherche d'une solution définitive au conflit ivoirien. « Le Chef de l'ONUCI quitte ses fonctions le 31 août prochain et sera remplacé par Bert Koenders », a rappelé le Porte-parole.
Au plan militaire, le Commandant de la Force, Gnakoudé Berena, était hier au Libéria. A la tête de la délégation de l'ONUCI, il a participé à une réunion quadripartite sur le renforcement de la sécurité à la frontière de ce pays avec la Côte d'Ivoire. Au menu des échanges, « l'appui des Nations Unies pour faciliter le bon déroulement du référendum prévu le 23 août au Libéria et des élections législatives en Côte d'Ivoire » a indiqué M. Touré après avoir rappelé qu'avaient également pris part à la rencontre, le Commandant de la Force de la Mission des Nations Unies au Liberia (MINUL) et les Chefs militaires libérien et ivoirien, le Général Soumaila Bakayoko, Chef d'Etat-major de l'Armée ivoirienne.
Par ailleurs a souligné M. Touré, l'ONUCI poursuit sa campagne de sensibilisation de proximité Onuci Tour. Ce jeudi 18 août elle se trouve au quartier Belleville de Duekoué, vendredi à Gnambouasso, dans la Sous-préfecture de Guitry, à Blahou sur l'axe de Méagui, et à Mahapleu (Danané). Objectif : aller « à la rencontre des populations ». Le 22 août, ce sera au tour de Bogouiné (département de Man), le 23 au quartier Représentant de Duekoué tandis que le 24 août, ONUCI-TOUR s'arrêtera à GOH, à 50 km de San Pedro en direction de la forêt de Tai. Selon M. Touré, « la cohésion sociale a été ébranlée suite au passage de combattants venus du Libéria ».
Cette semaine de sensibilisation dans l'ouest, a ajouté M. Touré, prendra fin par l'étape du quartier Latif de Duekoué « sur les thématiques de la cohésion sociale, la réconciliation nationale et surtout sur l'engagement des populations elles-mêmes à être des relais pour le retour à la normalité en Côte d'Ivoire ».
Toutefois a jouté M Touré, le reste du pays n'est pas en marge de cette sensibilisation de proximité. Ainsi, des haltes seront observées à Korhogo, à Kokumbo (Région des lacs), Assindi (dans la sous préfecture de Koun-Fao) et Kongodekro, dans la région de la Vallée du Bandama.
Aux dires du Porte-parole, le sport est toujours utilisé par l'ONUCI comme facteur de soutien au processus de réconciliation en milieu scolaire. Dans ce cadre, des activités sportives sont prévues à Daoukro (Nzi Comoé) en vue de soutenir la direction départementale de l'éducation nationale.
Pour leur part, les journalistes se sont intéressés au manque de réaction de l'ONUCI après que le Ministère des Droits de l'Homme et des libertés publiques ait dénoncé le l'absence de rapport de courtoisie observée par l'ONUCI. Sur ce point, le Porte-parole, Hmadoun Touré a été clair. « L'ONUCI ne réagit pas publiquement par rapport à ce que dit un gouvernement. Cela dit nous avons des discussions très étroites avec le gouvernement pour leur expliquer que notre rôle est de faire le monitoring de la situation des Droits de l'Homme pour la protection et la promotion des Droits de l'Homme et aussi chercher avec le gouvernement des solutions ».