Côte d‘Ivoire : L'eau, les examens, l'identité et le mandat de l'ONUCI

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1 oct 2005

Côte d‘Ivoire : L'eau, les examens, l'identité et le mandat de l'ONUCI

C'était une simple question posée pendant la plus courte des interventions, mais l'émotion palpable dans la manière dont elle était énoncée en faisait un cri de détresse. « Qu'est-ce que la Division des Droits de l'Homme [de l'ONUCI] fait pour que les examens aient enfin lieu dans les zones sous contrôle des Forces Nouvelles.»

L'auteur de cette question était la vice présidente d'un collectif d'ONGs féminines, mais elle souligna, en prenant la parole lors d'un forum que l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) organisa à Bouaké le 1er octobre, qu'elle parlait tout simplement « en tant que mère ».

La question épineuse des examens de fin de cycle scolaire, reportés à plusieurs reprises par le Ministère de l'Education National, fut un des thèmes principaux évoqués par des représentants de la société civile au forum, qui a aussi bénéficié de la participation des agences des Nations Unies.



La rencontre faisait partie des activités programmées par l'ONUCI dans le cadre du Mois pour la Paix en Côte d'Ivoire qui a débuté le 21 septembre, à l'occasion de la Journée internationale de la Paix. Il s'agissait également du premier d'une série de rencontres avec la société civile que l'ONUCI compte organiser dans chacune des douze régions de la Côte d'Ivoire.

Malgré les efforts des uns et des autres, toujours pas d'examens en zone FN

Soulignant le fait que des dizaines de milliers d'enfants dans le centre et le nord de la Côte d'Ivoire n 'ont pas pu passer leurs examens depuis plus de deux ans, certains représentants de la société civile n'ont pas hésité à parler d'un « génocide intellectuel ». 'Que faites-vous pour que nos enfants bénéficient de ce droit fondamental' ? demandaient-ils en essence.

Leurs interlocuteurs ont alors souligné les efforts qu'ils ont déployés. L'ONUCI s'est porté garant de la sécurité des sites des examens. D'autres institutions ont promis des financements
quand le Ministère de l'Education a invoqué le manque d'argent. Les ONGs et agences humanitaires ont souligné qu'ils avaient eu des rencontres avec les autorités gouvernementales, mais que ces tentatives n'avaient pas encore porté fruit.

De la pénurie d'eau à la question identitaire

Le Forum de Bouaké a été également l'occasion pour les participants de soulever d'autres questions qui leur tiennent à coeur.

Certaines étaient liées au quotidien, telle qu'une pénurie d'eau qui constitue une préoccupation majeure tant pour les habitants de la ville que pour les humanitaires. Ceux-ci ont détaillé les actions qu'ils ont entrepris pour y pallier. Le Fonds des Nations Unies pour l' Enfance(UNICEF), par exemple, a installé dans quatre des six maternités de Bouaké des poches d'eau remplies chaque semaine par le contingent marocain de l'ONUCI.

D'autres participants ont fait référence à des questions plus fondamentales, comme le problème identitaire. Plusieurs habitants de la région n'ont que des cartes d'identité périmées. D'autres
n'ont aucune pièce qui les identifie. Cette situation, selon certains intervenants, les expose aux abus lorsqu'ils voyagent vers le sud. « On nous a dit 'Tant qu'on n'a pas commencé à faire de nouvelles cartes d'identité, l'ancienne carte d'identité, même si la date est finie, est valable'. On ramasse les cartes d'identité. On les met sur la table-là. On dit : '5,000 ! 5,000 [CFA francs]!'»,
s'est plaint un imam. La peur du harcèlement l'avait amené à ne plus voyager vers le Sud depuis trois ans.

La perception de l'ONUCI

A la une des discussions figurait aussi la perception que l'ONU, et plus précisément l'ONUCI, n'exerce pas suffisamment de fermeté en Côte d'Ivoire, voire qu'elle est impuissante. Cette perception serait à l'origine du sentiment d'insécurité que les uns et les autres disent éprouver, selon des membres de la société civile. « Je suggère que l'ONUCI change d'abord son mandat, »dit l'un d'eux.
« L'ONUCI, d'un mandat de surveillance du cessez-le-feu doit passer au mandat d'imposition de la paix, » a renchéri un autre.

Le forum a accordé à l'ONUCI une occasion de répondre à certaines incompréhensions. La mission ne prend parti ni pour les uns ni pour les autres, ont souligné les représentants onuciens lorsque l'impartialité de la mission fut mise en question. Elle ne considère pas les politiciens comme ses seules interlocuteurs, a-t-on expliqué en réponse à une autre question, en ajoutant que la tenue des fora avec la société civile en était une preuve.
Il fut souligné que l'ONUCI n'était pas là pour livrer une paix faite de toutes pièces aux Ivoiriens. Il faut que ceux-ci, la société civile en particulier, s'implique plus dans la recherche de solutions, et qu'ils exigent des politiciens qu'ils oeuvrent dans ce sens.

Impliquer les chefs traditionnels

La mission a également reçu des suggestions de l'assistance. Selon un participant, l'ONUCI doit faire en sorte que les autorités coutumières soient plus impliquées dans la recherche de solutions
à la crise. "Il faut retourner vers nos chefs traditionnels pour pouvoir réussir la réconciliation," at-il recommandé.

Une autre suggestion était que l'ONUCI organise une rencontre entre membres de la société civile des zones nord et sud à l'intérieur de la zone de confiance qui sépare les parties du pays
sous contrôle gouvernemental et FN respectivement. "Il faut créer un contact direct entre la société civile représentée en zone gouvernementale et la société civile representée ici (à
Bouaké)," a dit un des intervenants. "Il faut organiser quelque chose en zone de confiance pour
que les populations qui sont agitées et qui sont dans les rues de là-bas et d'ici s'asseyent et échangent.»

Cette rencontre pourrait avoir lieu au mois de novembre.