REVUE DE PRESSE INTERNATIONALE DU JEUDI 28 AVRIL 2011

28 avr 2011

REVUE DE PRESSE INTERNATIONALE DU JEUDI 28 AVRIL 2011







Le chef du "commando invisible" a
été tué




Le Monde
- Les forces du président ivoirien, Alassane Ouattara, ont tué, mercredi soir 27
avril, l'ex-putschiste Ibrahim Coulibaly, dit "IB", chef du "commando invisible"
dans le nord d'Abidjan, qui était perçu comme une menace par le pouvoir même
s'il avait contribué à la chute de Laurent Gbagbo. Plusieurs centaines de
membres des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), équipés de pick-up
surmontés de mitrailleuses lourdes et de lance-roquettes, ont lancé mercredi
matin une attaque d'envergure contre le fief d'"IB" dans le quartier populaire
d'Abobo (nord). Après cette "opération de sécurisation et de pacification",
"'IB' est allé se réfugier dans une cour [d'habitations] non loin d'une usine à
PK-18 [secteur nord d'Abobo]", a déclaré le porte-parole du ministère de la
défense.




 




"Riposte fatale"




 




Dans cette cour, Ibrahim Coulibaly "a
pris en otage toute une famille. Les FRCI ont effectué des tirs de sommation à
deux reprises et il a réagi avec des tirs nourris. Les FRCI n'ont eu d'autre
choix que de riposter, et la riposte lui a été fatale", a ajouté le
porte-parole. L'affrontement qui a eu lieu vers 20 heures, heure locale (22
heures, heure de Paris) a fait "deux soldats tués et plusieurs blessés" côté
FRCI, et "sept morts" dans le camp adverse, dont "IB" lui-même, a-t-il précisé.
Les FRCI avaient durant la journée a progressé dans son fief sans rencontrer de
réelle résistance. Le "commando invisible" avait contribué à la chute de
l'ex-président Laurent Gbagbo le 11 avril, en déstabilisant son régime par la
prise de contrôle progressive du nord d'Abidjan au début de l'année. Le
président Ouattara avait appelé vendredi l'ex-putschiste de 1999 et 2002 à
désarmer ses hommes, sous peine d'y être contraint par la force.




 




Adversaire historique




 




"On demandait une semaine, dix jours,
le temps de bien expliquer aux combattants qu'ils doivent désarmer sans
conditions. Il faut les convaincre qu'ils peuvent déposer les armes sans
craindre pour leur vie", avait déclaré au début de l'offensive Félix Anoblé,
numéro deux du "commando invisible". "IB" avait demandé à être reçu par le chef
de l'Etat pour se mettre à sa disposition. Son entourage avait accusé le premier
ministre, Guillaume Soro, de faire obstacle à cette demande. M. Soro a été
l'adversaire historique d'Ibrahim Coulibaly au sein de la rébellion responsable
du putsch raté de 2002 contre M. Gbagbo, force dont il prit finalement la tête
et qui forme désormais le gros des FRCI. Ibrahim Coulibaly, l'un des personnages
les plus mystérieux de la scène ivoirienne depuis une décennie, avait revendiqué
ces derniers jours sa part dans la chute de M. Gbagbo, tout en assurant se
placer sous l'autorité d'Alassane Ouattara, dont il avait été le garde du corps.
[...]




 




Côte d'Ivoire : foule de clients
devant les banques, réouverture retardée




AFP
- Des centaines de personnes faisaient la queue jeudi matin devant les banques à
Abidjan mais les guichets tardaient à rouvrir comme prévu après une longue
fermeture due à la crise postélectorale, même si certains distributeurs de
billets fonctionnaient, a constaté l'AFP. La réouverture des banques annoncée
pour jeudi à 08H00 (GMT et locales) par les autorités a mobilisé les foules mais
fait beaucoup de déçus, les agences n'ayant toujours pas ouvert leurs portes à
11H00. "Il faut donner à manger à la famille", expliquait devant le siège de la
SGBCI (filiale ivoirienne du groupe français Société générale), dans le centre
d'Abidjan, Jean-Baptiste Kouadio, un fonctionnaire au milieu d'une
impressionnante file d'attente de plusieurs centaines de personnes sur presque
un kilomètre devant un distributeur automatique approvisionné. "Y'a rien, y'a
rien !", s'énervait ailleurs une jeune femme devant un distributeur automatique
qui n'était pas en service, parmi une soixantaine de personnes réunies devant
les locaux fermés d'une agence de la SGBCI dans le quartier du Plateau, le
centre administratif d'Abidjan. Le nouveau président Alassane Ouattara avait
promis que les fonctionnaires ivoiriens toucheraient cette semaine leur salaire
de mars et d'avril. Les autorités avaient annoncé mercredi que 177 milliards de
francs CFA (270 millions d'euros) avaient été déposés dans les banques du pays à
cet effet. Dans les quartiers d'Abobo (nord) et de Yopougon (ouest) où des
groupes armés incontrôlés étaient encore actifs ces derniers jours, les banques
resteront fermées, avaient précisé les autorités. Les banques commerciales en
Côte d'Ivoire avaient toutes fermé en début d'année en raison de la crise
postélectorale née de la présidentielle du 28 novembre, à l'exception des
banques publiques. Le régime de l'ex-président Laurent Gbagbo qui refusait de
quitter le pouvoir, avait aussi "réquisitionné" deux banques, la SGBCI et la
Bicici, filiales ivoiriennes des groupes français Société Générale et
BNP-Paribas, ouvertes jusqu'au début des combats fin mars.

[...]




 




Ouattara : « Les Ivoiriens aspirent
à la paix »




La Croix
- Dans une interview exclusive, le président de Côte d'Ivoire Alassane Ouattara
dresse pour La Croix un premier tableau de son action et de ses urgences, deux
semaines après l'arrestation de Laurent Gbagbo

La Croix : Vous vous êtes directement adressé aux chrétiens pour Pâques. Quel
est le sens de cette démarche ?

Alassane Ouattara : Notre pays a été malheureusement divisé depuis de nombreuses
années. Pâques célèbre la victoire de l'amour sur la haine. Je me suis dit que
c'était une opportunité de m'adresser à mes frères et sœurs chrétiens pour leur
dire qu'il faudra travailler à ce que le bien soit au-dessus du mal.

Pourtant vous inquiétez une
partie des catholiques...

A. O. : Certains vous diront que quelques membres de la hiérarchie n'ont pas été
tout à fait corrects... J'ai aussi reçu des gestes très fraternels de la part
d'évêques comme l'archevêque d'Abidjan, Mgr Kutwa, et bien d'autres. Le nonce
apostolique a aussi été très bienveillant à mon égard. Seule une minorité s'est
laissé prendre par la haine ethnique et religieuse. La majorité des familles
ivoiriennes est, comme la mienne, multi-religieuse. J'ai des frères et sœurs
musulmans, mon épouse est catholique, certains de mes enfants sont protestants,
d'autres catholiques. Je compte sur l'aide de l'Église pour nous aider à nous
réconcilier et reconstruire le pays.

Comment allez-vous mettre en œuvre la
réconciliation ?
Je
vais créer d'ici deux semaines une commission Vérité et Réconciliation à l'image
de ce qui a été fait en Afrique du Sud. La semaine prochaine, je reçois l'ancien
directeur général de l'ONU, Kofi Annan, et Desmond Tutu pour en discuter
ensemble. J'ai déjà choisi son président, il a accepté. Mais il est trop tôt
pour dire son nom. Ce sera un laïc accompagné par deux religieux : un chrétien
et un musulman.
Les
Ivoiriens ont-ils le désir de vivre ensemble ?

A. O. : Ils aspirent à la paix. C'est une minorité qui a utilisé la pauvreté des
populations pour donner le sentiment que le problème était profond. La
télévision y a beaucoup contribué. Cependant, nous n'avons pas vécu à proprement
parler une guerre civile, même si selon mes informations, la crise a fait près
de 3 000 morts. Depuis le 2 avril, nous avons ramassé 900 cadavres dans les
rues. Une guerre civile aurait coûté des centaines de milliers de vies.

Quand pourra être garantie
la sécurité de tous les habitants ?

A. O. : Je me donne jusqu'à la fin du
mois de juin. Cela va déjà beaucoup mieux qu'il y a deux semaines. Il y a encore
trop de racket sur les routes. Il faut aussi sécuriser les frontières, mettre un
terme aux trafics et entrées clandestines. J'ai envoyé mardi une mission pour
faire le point dans l'ouest où les gens vivent encore dans la peur. Après avoir
été à Monrovia pour établir la situation des réfugiés ivoiriens au Liberia, elle
doit se rendre à Duékoué pour rencontrer la population. Il y a eu des crimes
épouvantables dans cette région.

Quelles sont les trois plus importantes mesures que vous allez
prendre ?
A. O. :
Outre la commission Vérité et Réconciliation, axe fort de ma présidence, la
deuxième sera la nomination d'un gouvernement d'union nationale, avant fin mai.
Y figureront des ministres issus du FPI (le parti de l'ancien Président), à la
condition qu'ils me reconnaissent comme président... ce qui n'est pas encore le
cas. En troisième lieu, la mise au travail de l'administration. Il faut qu'en
trois mois, la vie à Abidjan soit à nouveau normale et qu'à l'intérieur du pays,
l'essentiel soit disponible : nourriture, médicaments, eau, électricité. J'ai
mis en place un programme d'aide d'urgence d'environ 100 millions de dollars.
Ensuite, je mettrai en œuvre le programme sur lequel j'ai été élu. Il est très
ambitieux. Reconstruire, ce n'est pas le plus dur. Je l'ai fait pour tellement
de pays en Afrique, en Asie et bien ailleurs ! J'ai les financements et j'ai la
bonne équipe. Mais obtenir la paix et la réconciliation après ce que nous avons
vécu depuis des années, c'est bien plus compliqué.

Quand aura lieu votre cérémonie
d'investiture ?
A.
O. : Normalement le 21 mai. Plusieurs chefs d'État sont invités, dont le pape
Benoît XVI.

Qu'allez-vous faire de Laurent Gbagbo ?

A. O. : Si je l'ai envoyé dans le nord ainsi que son épouse, c'est pour des
raisons de sécurité. À l'hôtel du Golf, nous n'étions pas à l'abri d'un
assassinat. Jusqu'à leur jugement, ils sont en résidence surveillée dans des
villages liés à ma famille. Quand j'ai annoncé aux maires qu'ils allaient
accueillir Simone Gbagbo, j'ai dit que c'était une sœur. Samedi, j'ai envoyé Mgr
Antoine Koné évêque d'Odienné, la rencontrer. Elle lui a demandé une Bible et
une paire de lunettes. La Bible lui a été aussitôt envoyée, et elle va recevoir
les lunettes cette semaine. Je lui ai envoyé une télévision. Je tiens à ce
qu'ils ne soient pas logés dans de mauvaises conditions.

Avez-vous des nouvelles des deux
Français enlevés au Novotel
 ?
A. O. : Non. Je suis très inquiet. J'ai demandé à ce que les responsables
militaires arrêtés soient interrogés. Cela n'a encore rien donné.

Que savez-vous de la mort de
Philippe Raymond, à Yamoussoukro, le 30 avril ?
 
A. O. : Je ne sais pas encore s'il s'agit d'un crime crapuleux ou politique.
J'attends les résultats de l'enquête. Et

la vérité sur la disparition du
journaliste Guy-André Kieffer ?

A. O. : C'est un dossier lourd. La justice a été utilisée pour empêcher
l'enquête. Je tiens à ce que l'on sache ce qui s'est passé, qui l'a tué.




 




Ouattara face au défi de la
sécurité




Le Monde
- Plus de deux semaines après l'arrestation de Laurent Gbagbo, le calme revient
progressivement en Côte d'Ivoire. Confronté aux immenses défis de la
réconciliation nationale et de la reconstruction, Alassane Ouattara cherche
désormais à asseoir son autorité. Pour trouver une légitimité populaire, son
premier objectif est de garantir la sécurité dans le pays. Mais, à Abidjan, les
poches de résistance sont nombreuses. Les quartiers de Yopougon et d'Abobo, où
vivent plus de deux millions d'habitants, ne sont toujours pas sous le contrôle
des Forces républicaines de M. Ouattara. Dans l'ouest du pays, où des massacres
avaient déjà été signalés, les ONG dénoncent encore des exactions dans les
villages de brousse, et s'effraient des risques de conflit communautaire.




 




Désarmer les milices 




 




Alassane Ouattara l'a affirmé vendredi
22 avril : "la guerre est terminée en Côte d'Ivoire". Mais tous les acteurs du
conflit n'ont pas baissé les armes pour autant. Les militants gbagbistes et les
chefs miliciens, Ibrahim Coulibaly en tête, menacent le tout nouvel équilibre du
pays. Ibrahim Coulibaly, surnommé "IB" par les Ivoiriens, a joué les premiers
rôles dans l'affaiblissement de Laurent Gbagbo. A la tête d'une milice baptisée
"Les commandos invisibles", constituée de groupuscules armés, "IB" combat les
gbagbistes depuis janvier. Il a ainsi pris le contrôle de larges zones du nord
d'Abidjan, notamment le quartier d'Abobo. Adversaire historique du nouveau
premier ministre, Guillaume Soro, avec qui il était en lutte en 2004 dans un
affrontement fratricide, il ne semble pas non plus soutenir Alassane Ouattara,
selon la presse ivoirienne. Pour contrer la menace milicienne, le nouveau
président a, dans un premier temps, réclamé la reddition des groupes armés, leur
demandant de "déposer les armes immédiatement et sans conditions". En réponse,
"IB" a appelé ses hommes à se désarmer mardi, mais les Forces républicaines du
nouveau président ont lancé mercredi une offensive dans son fief. Après des
échanges soutenus à l'arme lourde dans la matinée, les tirs ont repris en début
d'après-midi. Pour Michel Galy, politologue à l'Ecole des relations
internationales et spécialiste de la Côte d'Ivoire, "tout n'est pas encore joué,
les forces républicaines ne sont pas sur leur terrain à Abidjan : beaucoup de
ces hommes sont des Dozos venus du Nord, qui connaissent peu la jungle urbaine".
Reste à savoir si les soldats de l'ONU, forces françaises en tête, "resteront à
l'écart ou finiront le travail commencé" si Alassane Ouattara est de nouveau en
difficulté, souligne Michel Galy.




 




Maitriser les forces républicaines 




 




Les nouvelles autorités doivent aussi
maîtriser leurs propres forces, qui se sont rendues coupables de pillages et de
racket à Abidjan et dans le reste du pays. Pour lutter contre les débordements,
Alassane Ouattara a "ordonné" le retour "immédiat" des unités combattantes des
Forces républicaines de Côte d'Ivoire dans leurs casernes, et le redéploiement
des gendarmes et policiers. Pour éviter les rébellions au sein de l'armée, le
nouveau pouvoir a aussi démantelé la "Sorbonne", lieu de rassemblement et
véritable forum des partisans de Laurent Gbagbo. Outre sa dimension politique,
le lieu était surtout réputé pour abriter des activités illégales et des trafics
en tout genre.




 




Le casse-tête de l'investiture
d'ADO




 




Malgré le retour au calme, le statut
politique et juridique d'Alassane Ouattara continue d'alimenter les débats.
"Ado" (contraction d'Alassane Dramane Ouattara) n'a toujours pas été reconnu
comme président par le Conseil constitutionnel. Son investiture ne devrait avoir
lieu que "dans la seconde quinzaine de mai", selon des déclarations faites à la
TCI, chaîne de télévision du nouveau président. L'événement devrait se tenir
dans la capitale politique, Yamoussoukro (dans le centre du pays), et le nouveau
gouvernement serait formé dans la foulée. Dans cette perspective, Alassane
Ouattara a reçu le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N'Dré, qui
aura la tâche de le reconnaître comme président. Mais les soutiens de Laurent
Gbagbo espèrent encore que le Conseil constitutionnel, acquis à l'ex-président,
refuse de reconnaître l'élection de M. Ouattara. En décembre, Paul Yao N'Dré
avait invalidé les résultats de la commission électorale, certifiés par l'ONU,
donnant M. Ouattara vainqueur, et proclamé la réélection de Laurent Gbagbo avec
51,45 % des suffrages. Le politologue Michel Galy confirme qu'il "sera difficile
pour le Conseil constitutionnel d'inverser complètement sa décision de
décembre". Dans cette perspective, il craint que "le cycle de violences ne se
perpétue".




 




La fille de Gbagbo s'inquiète du
sort de sa famille dans une lettre à Sarkozy




AFP
- La fille de Laurent Gbagbo,
Marie-Antoinette Singleton, s'inquiète du sort réservé à ses parents dans une
lettre à Nicolas Sarkozy communiquée à l'AFP par l'un de ses avocats, Me Gilbert
Collard. "Mon père, ma mère et mon frère ont été arrêtés, pour ne pas dire
enlevés comme une prise de guerre, sans aucun mandat de justice", écrit Mme
Singleton, qui vit aux Etats-Unis, dans son courrier au président de la
République. "Ils ont été incarcérés et demeurent dans un lieu tenu secret, dans
l'ignorance des charges qu'on leur reproche", ajoute-t-elle. "La famille, au
mépris de la plus élémentaire humanité, n'a plus aucune nouvelle d'eux", se
plaint-elle, soulignant qu'une demande de "permis de visite" adressée au nouveau
président ivoirien Alassane Ouattara, est restée sans réponse. "Elle craint pour
leur vie compte tenu des crimes qui se commettent tous les jours en Côte
d'Ivoire contre les proches du président Gbagbo" et eu égard à "leur lieu de
rétention dans le nord de la Côte d'Ivoire qui est (...) une zone de non droit",
selon Me Collard, l'un des cinq avocats saisis par la famille de Laurent Gbagbo.
M. Gbagbo a été arrêté le 11 avril par les forces du président Ouattara,
appuyées par la France et l'ONU après une guerre de dix jours dans Abidjan et
près de cinq mois de crise postélectorale. Il refusait de quitter le pouvoir
après le second tour de la présidentielle en novembre, à l'issue duquel M.
Ouattara a été reconnu élu par la commission électorale ivoirienne et la
communauté internationale.




 




Règlements de comptes sanglants à
Abidjan




Slate.fr
 - Après l'arrestation de Laurent Gbagbo, beaucoup avaient cru en un retour à la
normale. Il n'en est rien. Les rivalités perdurent et pour les Abidjanais, rien
n'est fini. Le monde a déjà tourné la page d'histoire qui vient de s'écrire en
Côte d'Ivoire. Deux semaines après l'arrestation de Laurent Gbagbo, la situation
est loin de s'être normalisée. Un assaut inattendu a été livré le 27 avril 2011
par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) à PK18, dans le quartier
populaire d'Abobo, contre le quartier général du fameux «commando invisible»
d'Ibrahim Coulibaly, alias «IB». Règlement de comptes à la Scarface, dans un
monde de brutes, au sein même du camp Ouattara? Au cours de cet assaut, Ibrahim
Coulibaly, dit « IB », chef du « commando invisible », a été tué dans la soirée
du 27 avril 2011, par les forces du président ivoirien Alassane Ouattara. Depuis
plusieurs semaines à Abidjan, l'électron libre IB était considéré comme le chef
d'un véritable «troisième camp». Il aurait demandé à être reçu par Alassane
Ouattara pour lui prêter allégeance. Son rival de longue date au sein de la
rébellion des nordistes de 2002, le Premier ministre Guillaume Soro, l'en aurait
empêché. Guillaume Soro serait aussi derrière l'assaut donné à PK18, alors
qu'une opération de désarmement était en cours. Des dépêches d'agences indiquent
que Cherif Ousmane, l'un des commandants des FRCI, avait donné pour consigne à
PK18: «Dites à vos frères que IB, c'est fini!»




 




Le temps des représailles




 




Pour mémoire, le commando invisible a
signé en janvier les premiers actes de résistance contre les Forces de sécurité
(FDS) pro-Gbagbo. Il s'agissait alors de riposter face au harcèlement, vols et
exécutions sommaires à l'encontre des populations civiles, dans ce bastion
pro-Ouattara. Aujourd'hui, la situation s'est renversée: ce sont les FRCI qui se
livrent à des exactions à Yopougon, un autre grand quartier populaire d'Abidjan
considéré comme le fief du président sortant. Médecins sans frontières (MSF) a
de nouveau tiré l'alarme le 22 avril 2011, rappelant que la violence persiste et
que la situation humanitaire est toujours «aigüe». En cause, les combats et
règlements de compte dans plusieurs quartiers d'Abidjan, PK18 et Yopougon, mais
aussi l'instabilité dans l'Ouest du pays. «Des villages pillés et détruits sont
déserts et l'on voit des cadavres calcinés le long des routes entre Guiglo et
Toulepleu, rapporte Xavier Simon, chef de mission de MSF en Côte d'Ivoire. Nos
équipes prennent maintenant en charge des personnes qui n'osaient pas sortir de
la brousse pour se faire soigner et qui souffrent de blessures datant de deux ou
trois semaines. Comme ces blessés sont toujours terrifiés, ils attendent d'être
dans un état critique pour sortir et se faire soigner.» A Abidjan, MSF a soigné
60 blessés le 21 avril 2011, dont 12 par balle. Les pénuries de matériel et de
médicaments pénalisent les hôpitaux de la ville, aux portes desquels de longues
files se forment dès quatre heures du matin, pour recevoir des traitements
urgents. Beaucoup se terrent, par peur des représailles des FRCI contre les
partisans de Laurent Gbagbo.




 




Des scènes de crimes sous les
applaudissements




 




Un homme a raconté à SlateAfrique,
sous couvert d'anonymat, avoir perdu un membre de sa famille, le 25 avril 2011:
Thérèse Blabo, une militante en vue du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent
Gbagbo, âgée d'une cinquantaine d'années et mère de deux enfants émigrés aux
Etats-Unis, a été brûlée vive près de chez elle, aux 220 Logements, un quartier
d'Adjamé. La scène s'est produite sous les yeux d'une population qui aurait
applaudi, selon les témoignages parvenus à cet homme. Un retraité raconte par
ailleurs avoir perdu le 10 avril 2011 l'un de ses neveux, un étudiant en
sciences économiques de 23 ans, sans activité politique, mais appartenant à
l'ethnie bété (comme Laurent Gbagbo). Le jeune homme a été fauché à Yopougon
alors qu'il cherchait à fuir le quartier. «Ca tirait et il a pris une balle en
route, raconte notre source. Beaucoup de parents partent à Dabou, une ville
située à 50 km d'Abidjan. Les gens à Yopougon sont égorgés comme des moutons,
parce qu'ils sont Bétés ou soupçonnés d'être des supporters du président
sortant. C'est insupportable. Je ne dors pas, ça me rend malade. On continue à
tuer les gens pour une histoire de politique alors que c'est fini! C'est fini!
Tout se passe au nez et à la barbe de l'Onuci, qui doit protéger les civils.»
indique le retraité.




 




La disparition de Gbagbo et de ses
forces




 




Un proche de Charles Blé Goudé se
terre dans une banlieue d'Abidjan, sans nouvelles de ses anciens camarades
pro-Gbagbo de la Fédération des étudiants et scolaires de Côte d'Ivoire (Fesci)
et des Jeunes patriotes, évanouis dans la nature. Aux dernières nouvelles,
Charles Blé Goudé serait vivant, assure-t-il. Alors que Laurent Gbagbo et son
épouse Simone sont détenus dans des lieux différents, au nord du pays, les
rumeurs ont couru les 25 et 26 avril sur une éventuelle tentative de suicide de
Laurent Gbagbo. Son porte-parole à Paris, Toussaint Alain, a formellement
démenti, et accusé Alassane Ouattara de «tenter maladroitement de déguiser un
projet d'assassinat du président Gbagbo en tentative de suicide».
Marie-Antoinette Singleton, l'une des filles du couple Gbagbo, qui vit et s'est
mariée aux Etats-Unis, a adressé le 26 avril une lettre à Nicolas Sarkozy, le
président français, pour s'inquiéter du sort de ses parents. «Ce courrier ayant
un but unique, je n'évoquerai pas les graves problèmes de droit international
que posent les conditions dans lesquelles la résolution 1975 de l'ONU a été
exécutée par vos forces armées. Mon père, ma mère et mon frère ont été arrêtés,
pour ne pas dire enlevés comme une prise de guerre, sans aucun mandat de
justice; ils ont été incarcérés et demeurent dans un lieu tenu secret, dans
l'ignorance totale des charges qu'on leur reproche. La famille, au mépris de la
plus élémentaire humanité, n'a plus aucune nouvelle d'eux. Que sont-ils devenus?
Les photos humiliantes publiées dans le journal Paris-Match laissent craindre le
pire. Un de nos avocats, Maître Collard, a demandé un permis de visite; faute de
juge, il s'est adressé au Président reconnu par la communauté internationale. A
ce jour, notre avocat n'a pas de réponse.» Réponse le lendemain de Patrick Achi,
porte-parole du gouvernement Ouattara: une enquête criminelle préliminaire a été
ouverte contre le couple Gbagbo et une centaine de membres de son entourage. «Je
ne peux pas dire quels seront les principaux chefs d'inculpation, cette tâche
incombe aux tribunaux», a-t-il précisé. La crise post-électorale en Côte
d'Ivoire a fait plus de 1500 morts. Un bilan qui s'alourdit encore, chaque jour,
hypothéquant lourdement l'avenir.