Journée internationale de la Paix

21 sep 2007

Journée internationale de la Paix


Abidjan, le 21 septembre 2007 ....Une table ronde organisée par l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI, sur le th è me de « La Paix, condition de développement en Côte d'Ivoire » a figuré parmi les principaux événements marquant la commémoration de la Journée internationale de la Paix, le 21 septembre 2007, en Côte d'Ivoire.

Les Ivoiriens se penchent sur la paix sous l'égide de l'ONU

Une table ronde organisée par l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire, l'ONUCI, sur le thème de « La Paix, condition de développement en Côte d'Ivoire » a figuré parmi les principaux événements marquant la commémoration de la Journée internationale de la Paix, le 21 septembre 2007, en Côte d'Ivoire. Cette activité a permis notamment à des représentants de la société civile ivoirienne d'échanger sur les moyens de surmonter la crise qui frappe leur pays depuis cinq ans et, surtout d'instaurer une paix durable. D'une manière générale, les participants, venus d'horizons divers (associations de la société civile, chefs traditionnels, universitaires, etc....), ont souligné la nécessité de jeter les bases d'une société régie par de meilleurs rapports entre ses diverses composantes. Dans cette optique, plusieurs pistes ont été proposées, dont une meilleure prise en compte des jeunes dans le développement national, la participation des femmes dans la prise de décisions aux niveaux national et sectoriel, l'établissement d'un contrat social national, l'instauration d'un état de droit et la valorisation des modes de gouvernance africaines ainsi que les mécanismes de prévention et de règlement de conflit traditionnels.

Une partie intégrante des efforts de l'ONUCI de promouvoir la paix

Au-delà de la commémoration de la journée internationale, la table ronde faisait partie des activités organisées par l'ONUCI dans le but de promouvoir la paix en Côte d'Ivoire en vertu du mandat que le Conseil de Sécurité des Nations Unies a conféré à la Mission. Il s'agissait, pour l'ONUCI, de donner à des représentants de la société civile ivoirienne une plate forme pour se pencher sur les contours d'une paix durable. Soucieux de permettre à la population d'entendre les idées échangées lors de la table ronde, l'ONUCI a organisé la diffusion de celle-ci sur les ondes de sa radio, ONUCI FM, tout comme elle le fait pour les autres activités de promotion de la paix, dont les forums qu'elle organise pour la société civile dans diverses localités du pays, ainsi que ses caravanes d'information et de sensibilisation dans les communautés et les établissements scolaires.

Les débats ont été animés par un panel modéré par M. Modem Lawson, Conseiller Politique Principal et Chef de la Division Politique par intérim de l'ONUCI, et composé de personnalités qui se sont distingués dans divers domaines.

Les effets tangibles et intangibles de la crise

Le fait que la crise qui a débuté le 19 septembre 2002 a eu des effets marquants est une évidence qu'aucun des participants n'a niée. Sur le plan économique, les répercussions négatives ont été mises en exergue par M. Kouassi Kouadio Clément, Vice Président de la Confédération Générale des Entreprises de Côte d'Ivoire (CGE-CI). Prenant son organisation comme exemple, il a fait remarquer que depuis 2002, le nombre d'entreprises membres de la CGECI est allé de plus de 600 à 400. Leur chiffre d'affaires, qui totalisait 5.400 milliards de francs CFA il y a cinq ans, est descendu à 5.089 milliards de FCFA, tandis que les salaires touchés chaque année par l'ensemble de leurs employés sont allés de plus de 136 milliards de FCFA à 90 milliards de FCFA. « Du fait de la crise, le taux de pauvreté est passé de 38% avant la crise à 47% aujourd'hui », a-t-il noté.

La crise qu'a connue la Côte d'Ivoire a eu des séquelles dans d'autres domaines. La cohésion sociale a été entamée, des milliers de personnes ont été déplacées, l'éducation publique a été affectée à tous les niveaux tout comme l'accès aux services de santé, pour ne citer que quelques-uns des effets négatifs de la crise actuelle.

En finir avec la marginalisation des femmes

A travers le monde, les femmes figurent parmi les groupes qui souffrent le plus des conflits que, très souvent elles n'ont ni commencées ni alimentées. Qui plus est, elles sont généralement tenues à l'écart dans la recherche des solutions. La Côte d'Ivoire n'échappe pas à cette règle. Mme Léopoldine Coffie-Tiézan, Présidente du Réseau International pour les Actions Affirmatives (RIFAA), a souligné qu'il faut en finir avec la marginalisation des femmes qui, malgré leur contribution au développement national, « sont généralement exclues du processus de prise de décision ».

Pour Mme Coffee, « le respect et l'application effective des engagements, des accords de paix et de développement durable pris par les gouvernants permettront l'épanouissement de la femme en Côte d'Ivoire. Cela contribuerait, à son tour, à jeter les bases d'une paix durable, a-t-elle indiqué, tout en rappelant que « la paix n'est pas une donnée naturelle : elle se conçoit, se cultive, s'entretient et se vit à travers le comportement, la tolérance, l'acceptation du prochain, les concessions réciproques, le dialogue, l'entente et l'amour ».

C'est aussi « un processus positif, dynamique, participatif que favorise le dialogue et le règlement des conflits dans un esprit de compréhension et de coopération mutuelle. »

Les violences faites aux femmes et aux enfants pendant la crise

Pour Mme Constance Yai, fondatrice de l'Association Ivoirienne pour la Défense des Droits des Femmes (AIDF), les crises, conflits et drames vécus ont rendu bon nombre d'Ivoiriens insensibles à la douleur de l'autre et à la violence, y compris les violences subies par les groupes vulnérables. « Les violences sexuelles faites aux femmes et aux enfants pendant la crise m'apparaissent comme quelque chose de fondamentalement dramatique, et ce qui me parait dramatique c'est l'indifférence collective », a noté Mme Yahi. « La Côte d'Ivoire est le pays par excellence où l'indifférence s'est installée, où on a l'impression que nous vivons notre propre histoire comme s'il s'agissait d'un film, » a-t-elle ajouté. « Il s'agit de nos sœurs, il s'agit de nos mères, il s'agit de nos filles, il s'agit de nos fils, de nos enfants qui ont été violentés sur toute l'étendue de la surface nationale.

Il est grand temps que la question des violences faites aux femmes figure dans l'agenda des hommes et des femmes dirigeants de la communauté nationale, a-t-elle recommandé.

Elle a aussi préconisé la promotion des solidarités entre les classes et groupes sociaux, la mise en place d'une politique de prise en compte des victimes des discriminations et des laissés-pour-compte, et des actions destinées à favoriser la cohésion sociale. « Il faut donner priorité à la question des conditions de retour des populations déplacées de guerre, un thème négligé, » a souligné Mme Yahi. « Les populations déplacées doivent être rassurées sur les conditions de sécurité. »

Une commission permanente sur les litiges fonciers

La question du retour des déplacés est également liée à celle des conflits fonciers, qui figurent parmi les facteurs à l'origine des déplacements de populations en Côte d'Ivoire, tout comme la crise politico-militaire. « Les litiges fonciers constituent un gros problème dans le débat sur la résolution de la crise ivoirienne », a fait remarquer Mme Yahi. « Il est temps, grand temps, qu'une commission permanente sur cette question soit mise en place, commission permanente qui prenne en compte les chefs traditionnels, les populations des zones concernées, » a-t-elle recommandé. « Il ne s'agit plus pour les politiques de s'asseoir et de se mettre d'accord sur une prétendue résolution de la crise sur la question du litige foncier. »

Plaidoyer pour l'implication de la société civile

L'implication des chefs dans la recherche de réponses à la question foncière fait partie d'un plaidoyer plus général pour l'inclusion de la société civile dans la recherche de solutions aux défis qui se posent à la nation. Il faut mettre fin à « l'ostracisme dont est victime la société civile », en instaurant un véritable dialogue et sans vassalité entre les organisations de la société civile, les groupements d'intérêt, les organisations de masse, les partis politiques et l'Etat », a proposé Mme Yahi. « Dans un pays divisé et tourmenté, accepter la présence de personnalités indépendantes, d'organisations de la société civile dans la recherche de la paix pourrait être un puissant levier qui nous conduirait inévitablement vers la paix».

Un tel dialogue a également été proposé par M. Patrick Ngouan, Président de la Ligue Ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO), qui a annoncé que la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI), dont il est le coordinateur, projette d'organiser des journées de consensus national impliquant toutes les forces vives de la nation. L'objectif de cette concertation nationale, prévue pour le mois de novembre 2007, sera « d'adopter un large consensus sur les modalités de sortie de crise et de réconciliation véritable et jeter les bases d'une véritable renaissance de la Côte d'Ivoire à travers le développement d'un nouveau contrat social », a-t-il expliqué.

L'importance de la bonne gouvernance et d'un Etat de Droit

Une des bases de cette renaissance, et de ce contrat social, est la reconnaissance de la place de la société civile dans le processus socio-politique, a-t-il noté. Il a aussi souligné l'importance de l'assainissement de l'environnement juridique et économique, le renforcement de la lutte contre la pauvreté et l'insécurité, le développement d'un code de conduite entre les partis politiques, et l'adoption de nouvelles règles de gouvernance.

Un aspect clef de la bonne gouvernance est la lutte contre l'impunité. Pour Mme Constance Yahi, « il n'est plus question de fermer les yeux sur des actes graves, des actes criminels qui sont perpétrés contre la population, qui sont perpétrés contre l'Etat ».

La lutte contre l'impunité, la recherche de la bonne gouvernance, la création d'un bon environnement juridique font tous partie de la construction d'un Etat de droit, une condition sine qua non pour bien asseoir la paix, a noté M. Ngouan, tout en expliquant que l'Etat de droit « est un Etat ou règnent la démocratie et le respect des droits de l'homme ». Pour arriver à un Etat de droit, il faut libérer l'Etat des partis politiques et assainir l'administration publique, mais aussi faire une éducation à la base, à la citoyenneté, a-t-il souligné. Parmi d'autres recommandations, il a proposé l'instauration d'un contrôle citoyen sur la gestion des ressources nationales et le renforcement de la société civile en vue de son émancipation pour faire d'elle un contrepouvoir à la classe politique.

Quelques conditions préalables pour relever le défi du développement économique

Sur le plan socio-économique, des participants ont mis en exergue la liaison entre l'activité économique, l'emploi et la paix. Les opérateurs économiques ne pourront jouer pleinement leur rôle de moteurs du développement économique que lorsqu'un certain nombre de conditions seront réunies. Parmi celles-ci, il a noté que le peuple doit rester vigilant pour ne pas créer, et surtout étouffer, les crises qui pourraient menacer la paix et la paix et la sécurité des biens et des personnes doivent être garanties. Les hommes politiques doivent œuvrer pour l'épanouissement du peuple et le développement du pays et arrêter de manipuler les populations. L'Etat doit créer des conditions favorables à un développement durable.

L'activité économique et l'occupation des jeunes comme gages de la paix

C'est dans ce contexte que la problématique des jeunes se pose. En traçant les contours du développement et des conditions qu'il requiert, les participants ont également mis l'accent sur la nécessité de leur inclusion dans la recherche de la paix, définie par M. Kouassi Arthur Alloco, juriste, comme « un processus dynamique qui doit être nourri par la volonté et le souci du mieux être, la volonté de créer et de développer plutôt que de détruire. » Si les jeunes sont occupés, s'ils sont impliqués dans des activités économiques, a-t-il postulé, cela est un gage de stabilité parce que « l'être humain a du mal à détruire ce qu'il a crée et développé à la sueur de son front ». Par ailleurs, l'activité économique préserve les jeunes de la misère et de la manipulation, sources de la plupart des conflits, a fait remarquer M. Alloco. Or l'activité économique a besoin de paix.

Pour garantir un avenir paisible aux Ivoiriens, il faut guérir la jeunesse mentalement et la préparer mentalement à emprunter le chemin de la paix et du progrès continu, a-t-il souligné. De leur côte, les jeunes devront « renoncer à cette attitude alimentaire systématique qui fait d'eux non plus des êtres pensants, mais des bêtes de somme ».

Il a aussi rappelé que le règlement d'un conflit nécessite que les parties belligérantes acceptent de se faire confiance car la confiance est un catalyseur de paix.

Puiser dans la culture et l'organisation sociale et les valeurs africaines

M. Amoa Urbain, Recteur de l'Université Charles-Louis de Montesquieu d'Abidjan, a abordé la question de la paix sur le continent africain en général. A son avis, l'organisation sociale et mode de gouvernance hérités de l'Afrique ancienne - le village, la chefferie et la démocratie consensuelle - doivent être pris en compte dans la préparation d'un avenir de paix. Il en va de même pour les mécanismes culturels traditionnels tels la palabre africaine et les alliances ethniques. Prenant l'exemple de la palabre, il a expliqué qu'elle donne à chacun l'occasion d'exorciser la parole et les comportements pour parvenir à un consensus. Les alliances, elles, aident à prévenir les conflits mais à condition qu'elles soient accompagnées de vertu. « Il faut aller rapidement vers la pratique vertueuse des alliances inter-ethniques ou interculturelles, a recommandé M. Amoa.

Il a également recommandé la mise en œuvre d'actions relatives aux valeurs et civilisations africaines, tout en prônant la traduction de celles-ci en programmes d'enseignement de la maternelle à la formation professionnelle. Il a aussi soulevé la nécessité de briser les barrières linguistiques.

Les communautés villageoises et urbaines devraient être étudiées et organisées sur le modèle des villages africains, selon M. Amoa. Il a aussi recommandé la création dans chaque pays africain d'une chambre des rois et des chefs d'Afrique, une chambre des institutions coutumières d'Afrique en remplacement ou en renforcement des conseils économiques et sociaux en vue d'une meilleure prise en compte des modes de gouvernance africaines. Cette chambre serait un organe de concertation, de médiation et de résolution de conflits. Elle serait représentée dans toutes les collectivités locales de l'administration territoriale et siègerait comme un organe consultatif privilégié auprès de l'Union Africaine, de l'UNESCO et de l'ONU, a-t-il suggéré. Il a aussi recommandé « la décolonisation des religions et des pratiques spirituelles africaines en vue de la libération totale de l'âme noire ».

Le rôle de la communauté internationale

Les participants avaient des perspectives différentes en ce qui concerne le rôle dévolu à l'ONU dans la recherche de la paix durable en Côte d'Ivoire et en Afrique. Pour M. Constance Yahi, « la communauté internationale n'a pas le droit de lâcher [...] le peuple de Côte d'Ivoire. Oui, nous la remercions mais nous insistons sur le fait qu'elle ne doit pas se retirer précipitamment parce que cela est le gage d'un gâchis total et d'un retour à la case départ. Il faut organiser tout cela avec précaution. »

Un autre participant a demandé à l'ONU de prendre des mesures contre les vendeurs d'armes, qui alimentent les conflits en Afrique en fournissant des armes aux belligérants.

Pour sa part, M. Amoa Urbain a accusé l'ONU de nuire, dans certaines circonstances d'urgence, aux libertés des nations, et il a demandé « l'allègement du poids de la communauté internationale, symbolisé par l'ONU, sur les souverainetés nationales ».

Cependant, M. Modem Lawson de l'ONUCI, a fait remarquer que les Nations Unies ne sont pas une entité isolée, et que, en tant que membre de l'ONU, la Côte d'Ivoire participe aux prises de décision au sein de l'organisation, tout comme les autres pays membres.