Cri de détresse de la population de Bouna lors du forum de l'ONUCI
Bouna, le 14 mai 2007...Les effets de la crise sur la ville de Bouna, située à 650 kilomètres au Nord-est d'Abidjan, sautent aux yeux : plusieurs maisons abandonnées et/ou délabrées, certains bâtiments administratifs n'ont ni toit ni fenêtres, et le ramassage des ordures a été interrompu parce que les tracteurs chargeurs de la mairie ont été endommagés.
D'autres retombées de la crise sont moins visibles, comme le manque de services de base et l'aggravation des conflits socio-économiques, cités parmi leurs préoccupations principales par les participants à un forum organisé le samedi 12 mai 2007 par l'ONUCI à l'intention de la société civile de la ville.Les quelque 400 participants avaient également d'autres préoccupations, dont le manque de progrès tangible dans le domaine du Désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion (DDR).
Le forum a réuni des représentants de la société civile, l'adjoint au commandant de zone des Forces Nouvelles (FN) de Bouna, celui du maire, des chefs traditionnels et religieux, ainsi que des représentants de partis politiques. Une fois les libations et discours traditionnels de bienvenue terminés, des représentants de l'ONUCI ont expliqué le rôle et l'action de leurs sections respectives.
Au moment des échanges, un jeune homme a fait part des préoccupations des populations. :« Nous voulons des routes bitumées. Il n'y a pas de radio, sauf ONUCI FM. On n'a pas d'hôpital à Bouna. Quand une femme tombe malade, on est obligés de l'envoyer au Burkina Faso, ce qui est impossible sans argent », lance-t-il. « Il n'y a pas d'eau. Il n'y a pas de courant... A partir d'aujourd'hui, nous voulons une ambulance. A partir d'aujourd'hui ou demain, ils n'ont qu'à nous envoyer des médecins et des infirmiers compétents à Bouna ». L'assistance montre sa reconnaissance envers ce porte-parole des doléances de la communauté par un tonnerre d'applaudissements.
Les rapports de trois groupes de travail, qui ont participé à un atelier préparatoire baptisé 'pré-forum' lors duquel ils ont analysé des informations qu'ils avaient recueillies précédemment chez les habitants, ont confirmé l'ampleur des souffrances des populations en dépit des efforts conjoints de l'ONUCI, des agences humanitaires, et de quelques fonctionnaires de l'Etat et des ONG locales, qui ont cependant réussi à éviter le pire.
Le Groupe de travail sur la cohésion sociale a fait état des conflits récurrents entre agriculteurs et fermiers. Il a averti que la situation pourrait dégénérer en conflits interethniques si l'on n'y prend garde, d'autant que les parties en présence ont commencé à remettre en question les mécanismes traditionnels et militaires de gestion des conflits, arguant que les amendes imposées étaient trop élevées ou que les arbitres favorisaient le camp opposé.
La crise a eu un effet significatif sur les femmes et les jeunes, selon le Groupe de travail sur le genre et le développement. Les activités économiques traditionnelles des femmes - cultures maraichères, élevage de volaille et de bétail sur petite échelle, commerce au détail - ont connu une baisse considérable due au départ des fonctionnaires, aux déplacements de population engendrés par la crise, à la paupérisation restés sur place et aux « taxes » imposés par les FN. Ces facteurs ont également affecté les jeunes, qui interviennent surtout dans les domaines de l'agriculture, du transport, de la coiffure, de la revente de la volaille et de l'anacarde, de la mécanique et de la couture.
D'autres questions soulevées par les groupes de travail concernaient les droits humains des femmes et des jeunes filles, qui sont souvent ignorés ou sacrifiés du fait des pressions socioculturelles qui s'exercent sur elles. Ils ont signalé parmi celles-ci, l'excision, les mariages forcés et l'exploitation des jeunes filles en tant que vendeuses d'eau ou domestiques. A cela s'ajoute le fait que des mineures sont parfois victimes d'exploitation sexuelles compte tenu de leur situation de pauvreté.
Parmi leurs recommandations, les groupes de travail ont souligné le besoin d'impulser la réunification du pays, qui permettra le redéploiement de l'administration, l'élimination des barrages routiers, l'installation de barrages d'irrigation et de pompes à eau, et la création d'un fonds de soutien financier pour les petits commerçants. Ils ont aussi suggéré le renforcement des capacités techniques et organisationnelles des ONG locales qui travaillent dans le domaine de la cohésion sociale, le financement de projets visant les jeunes, les femmes et les leaders d'opinion communautaires, et la sensibilisation de la communauté, ainsi que sa mobilisation, autour des droits des femmes et des enfants.
D'autres points clefs ont été soulevés, dont le sort des enseignants volontaires et l'absence de l'information audiovisuelle, à l'exception de ONUCI FM. Les participants ont souligné l'importance d'avoir des services radio en langues locales pour accéder à la grande partie de la population qui ne parle et ne comprend pas le français. A cet égard, il a été demandé un soutien additionnel pour la radio de proximité locale, qui avait bénéficié d'un don d'équipements de l'ONUCI dans le cadre d'un projet à impact rapide, mais attend la réhabilitation de son local pour devenir opérationnelle.