CONSULTATIONS DU CONSEIL DE SECURITE SUR LA COTE D'IVOIRE

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9 juin 2015

CONSULTATIONS DU CONSEIL DE SECURITE SUR LA COTE D'IVOIRE

Monsieur le Président,



Distingués membres du Conseil de Sécurité,



Je vous remercie pour l'opportunité que vous m'offrez de présenter devant le Conseil, le rapport du Secrétaire général sur la situation en Côte d'Ivoire en date du 7 mai 2015, et de l'informer des développements majeurs récents intervenus dans le pays, y compris en ce qui concerne la préparation de l'élection présidentielle d'octobre.



Dans quatre mois, le Peuple ivoirien se rendra aux urnes pour choisir son prochain Président, dans un environnement très différent de celui qui prévalait en 2010. Beaucoup a été accompli depuis l'élection présidentielle d'octobre 2010. La stabilité se consolide progressivement. L'économie se développe de plus en plus et les populations ivoiriennes peuvent vaquer à leurs activités, dans un environnement apaisé. Bien que des désaccords politiques subsistent encore, un consensus national en faveur d'un dialogue constructif se dégage de plus en plus. Toutefois, une certaine frange de l'opposition radicale semble de plus en plus opter pour des manifestations de rue.



Monsieur le Président, le dialogue politique entre le Gouvernement et l'opposition progresse. Au cours des pourparlers du 29 janvier, des mesures concrètes ont été adoptées pour financer, sur une base exceptionnelle, les partis politiques de l'opposition qui ne sont pas représentés à l'Assemblée Nationale. Le dialogue politique entre le Gouvernement et l'opposition politique a repris le 26 mai, après quatre mois d'interruption. Seize partis politiques y ont pris part. Les discussions se sont focalisées sur des sujets importants notamment sur la nécessité de la création d'un environnement politique apaisé, de la réunion de conditions favorables à l'organisation d'un processus électoral crédible, le retour des exilés, et la libération des prisonniers. Le Gouvernement et les partis politiques de l'opposition ont également décidé de tenir des rencontres mensuelles jusqu'aux élections. Il est important de mentionner à ce stade que les avancées enregistrées au niveau du dialogue politique ont contribué à l'amélioration de la situation sécuritaire et de la stabilité en Côte d'Ivoire.



Les efforts du Gouvernement et des partis de l'opposition de maintenir un dialogue constructif, sont à saluer. Il serait important que le dialogue continue dans le but de créer et de maintenir un environnement propice à la tenue d'une élection libre et juste. Cependant, certains acteurs politiques sont encore tentés d'utiliser des propos incendiaires. Ceux-ci doivent en permanence être encouragés à agir en toute responsabilité et dans le strict respect des lois pendant toute la période électorale.



Le positionnement politique avant l'élection présidentielle a entraîné la reconfiguration de la scène politique. Par exemple, le Front Populaire Ivoirien (FPI) et le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) connaissent actuellement des dissidences. Toutefois, les différents points de vue et positions politiques s'expriment de façon plutôt pacifique. Et j'espère que cette expression pacifique continuera car elle est la caractéristique de tout processus démocratique.



J'ai usé de mon mandat de bons offices pour amener le Gouvernement et les partis politiques à dialoguer davantage. De même, je les ai mis à profit pour encourager les populations à adhérer aux efforts déployés par les autorités pour renforcer la paix et la stabilité à travers le pays. Pour ce faire, les initiatives de cohésion sociale, de réconciliation et de consolidation de la paix, développées dans les différentes régions et soutenues par l'ONUCI et l'équipe pays des Nations Unies ont été d'un grand apport.



Pour la Côte d'Ivoire, l'élection présidentielle d'octobre est une étape importante pour la consolidation des acquis de ces dernières années. Dans la perspective de cette élection, le code électoral amendé (nouveau) a été adopté le 2 avril. L'enrôlement des électeurs dans 2000 centres a été lancé le 1er juin et devra être bouclé le 30 juin. La liste définitive devrait être disponible le 31 août. En tant que Chef du Système des Nations Unies en Côte d'Ivoire, j'ai mis en place une coordination renforcée (avec les partenaires internationaux et la Commission Electorale Indépendante) en guise de soutien des Nations Unies au Gouvernement, dans le cadre du processus électoral.



Monsieur le Président, la mise en œuvre du processus de réparation des victimes de la crise post-électorale de 2010/2011 a commencé. De plus, le Gouvernement a commencé à mettre en œuvre certaines des recommandations clés du rapport final de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, malgré sa non-publication. Et c'est ainsi que le 24 mars, le Gouvernement a annoncé la création de la Commission Nationale pour la Réconciliation et l'Indemnisation des Victimes (CONARIV) qui se focalise sur l'enregistrement de toutes les victimes non répertoriées des crises successives en Côte d'Ivoire depuis 1990. L'organe exécutif de la CONARIV, le Programme National de Cohésion Sociale (PNCS), est chargé de la mise en œuvre du processus de réparations. Il est important qu'il assure un processus inclusif dans l'opération d'indemnisation des victimes.



En ce qui concerne la lutte contre l'impunité, les perceptions d'une justice à sens unique continuent de faire l'objet de discussions parmi les Ivoiriens, bien que des enquêtes sur des crimes sérieux commis durant la crise post-électorale de 2010/2011 soient actuellement menées pas la Cellule Spéciale d'Enquête et d'Instruction. J'encourage le Gouvernement de Côte d'Ivoire à poursuivre ces enquêtes et à les mener à leur terme afin de juger toutes les personnes reconnues coupables d'abus et de violation des droits de l'Homme, sans préjudice de leur appartenance politique, d'autant plus que la justice contribua grandement à panser les plaies du passé et à renforcer la réconciliation.



Monsieur le Président, le premier mécanisme destiné à accroître l'équité du genre dans toutes les institutions étatiques, dénommé Conseil national de la Femme, a été lancé. Ce développement intervient de manière très opportune en cette année électorale, car ce Conseil pourrait jouer un rôle clef en encourageant une plus grande participation des femmes à tous les niveaux décisionnels, y compris au plan politique. Je salue aussi le travail abattu par le Comité des Experts sur les Violences Sexuelles basées sur le Genre en période de conflit qui a poursuivi ses activités de sensibilisation avec les FRCI en matière des Droits de l'Homme et du Droit humanitaire international. Toutefois, je demeure préoccupée par les informations rapportées régulièrement sur les violences basées sur le genre et les pratiques traditionnelles néfastes telles que les mutilations génitales féminines. J'espère que ces questions seront concrètement prises en compte par la mise en œuvre de la stratégie nationale sur les violences sexuelles basées sur le genre.



Pour ce qui est du secteur de sécurité, le Gouvernement a fait des progrès dans la prise en charge des griefs formulés par les éléments des FRCI au cours de leur mouvement de protestation de novembre 2014. Il a construit des casernes et a procédé au paiement des arriérés de salaire. En matière de réforme, l'Assemblée nationale a adopté la loi portant sur l'organisation de la Défense nationale et des Forces armées nationales, le 9 mars. C'est une étape importante dans la professionnalisation des FRCI et dans le rétablissement de la confiance des populations dans les institutions chargées de la défense nationale. L'ONUCI continuera à appuyer le Gouvernement dans la mise en œuvre des réformes nécessaires. Je félicite le Gouvernement pour ses efforts continus visant à améliorer l'équilibre du genre dans la gendarmerie en incluant des stagiaires femmes. A l'approche des élections, le manque d'équipement des institutions chargées de veiller à l'application de la loi et des institutions sécuritaires chargées d'assurer le maintien de l'ordre public est préoccupant car il pose le problème de leur capacité opérationnelle à assurer la gestion démocratique des foules.



Le Gouvernement de Côte d'Ivoire a fixé la fin du processus de désarmement des 64.000 ex-combattants au 30 juin 2015. L'ONUCI et le Gouvernement ont intensifié les activités de sensibilisation et le nombre d'ex-combattants enrôlés dans le processus de DDR a augmenté significativement au cours des derniers mois. Un appui sera nécessaire après la clôture du programme de DDR en juin, car un nombre significatif d'ex-combattants sera encore dans le processus de réinsertion qui devra se poursuivre jusqu'au début du mois de janvier 2016. L'ONUCI poursuivra son appui technique et programmatique à l'ADDR en développant une feuille de route viable pour la conduite des activités après juin 2015.



Monsieur le Président, la situation sécuritaire est restée stable avec une tendance générale à la baisse des activités criminelles. Aucun incident majeur n'a été rapporté depuis mon dernier briefing au Conseil de sécurité. Ceci dit, les braquages armés et le banditisme constituent encore un défi sécuritaire pour le pays. Des manifestations et des grèves ont également été organisées par des universitaires, des enseignants, des agents de santé publique et par des d'étudiants durant la période sous revue. Des négociations entre les syndicats et le Gouvernement ont conduit à l'arrêt des grèves.



Au cours de la réunion quadripartite du 10 mars entre les Gouvernements de Côte d'Ivoire et du Libéria, l'ONUCI et la MINUL, les deux Gouvernements ont reconnu les améliorations de la situation sécuritaire à la frontière. La coopération bilatérale s'est renforcée avec la reprise des rencontres quadripartite et tripartite. Maintenant que le Libéria ayant été déclaré sans Ebola, les frontières ont été rouvertes, favorisant ainsi la reprise des activités transfrontalières.



En ce qui concerne la Force et la Police de l'ONUCI, conformément à la résolution 2162 (2014), l'ONUCI aura ramené sa Force militaire à 5.430 troupes, et sa composante de Police à 1.500 éléments. La capacité opérationnelle de la Force a été accrue par la présence de 650 éléments de la Force de Réaction Rapide (FRR) qui est à présent totalement opérationnelle ; ce qui nous permettra d'assister UNMIL dans la mise en œuvre de son mandat et de répondre à toute situation d'urgence au Libéria. Par conséquent, nous sommes aujourd'hui, en mesure de déplacer 100 troupes sur n'importe quelle partie du territoire ivoirien, dans un délai de 12 heures, grâce à nos moyens aériens. Je saisis cette opportunité pour exprimer mon appréciation aux membres du Conseil pour le soutien qu'il nous a apporté dans la finalisation de l'établissement de la FRR comme requis par le mandat. La posture plus mobile, plus agile et plus flexible qui caractérise aujourd'hui la Force a déjà démontré son efficacité. Elle a, en effet, permis d'apporter une réponse rapide aux menaces contre les populations civiles qui ont été signalées aux cours des derniers mois dans les régions frontalières de l'ouest.



Monsieur le Président, à la veille du renouvellement du mandat de l'ONUCI, je suis confiante et optimiste pour le futur de la Côte d'Ivoire. Cependant, il convient de rester vigilant. Dans quelques mois, la Côte d'Ivoire organisera les premières élections après celles de 2010. C'est un tournant décisif pour le pays. Le renouvellement du mandat de l'ONUCI à cette étape importante illustrera, encore une fois, la volonté de la communauté internationale à consolider les acquis et à accompagner le pays à tourner la page de la crise post-électorale de 2010. La création d'un environnement propice et apaisé avant, pendant et après l'élection présidentielle nécessitera aussi des avancées au niveau du dialogue politique, dans le processus du désarmement, dans le domaine de la Réforme du Secteur de Sécurité, de la justice, de la réparation des victimes et du retour des réfugiés. A cet égard, le soutien conjugué du Conseil de sécurité, des États membres, des partenaires régionaux et internationaux, de l'ONUCI et de l'équipe pays du Système des Nations Unies demeure essentiel pour que la Côte d'Ivoire conduise, sans désemparer jusqu'à leur terme, tous les processus clefs engagés.



Monsieur le Président, Distingués membres du Conseil de sécurité, je voudrais vous remercier encore pour votre soutien inestimable et pour vos orientations fort utiles dans la mise en œuvre du mandat de l'ONUCI.