Consultations du Conseil de sécurité sur la Côte d'Ivoire : déclaration de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire, Aïchatou Mindaoudou

9 fév 2017

Consultations du Conseil de sécurité sur la Côte d'Ivoire : déclaration de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire, Aïchatou Mindaoudou

  (New York, 8 février 2017)

                                                                       

Monsieur le Président,

Distingués membres du Conseil de Sécurité,

1.         Je vous remercie pour l'opportunité que vous m'offrez de présenter devant le Conseil, le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation en Côte d'Ivoire et de l’informer des développements majeurs récents survenus dans le pays.

 

2.         Depuis mon dernier briefing devant le Conseil de sécurité, il y a un peu plus d’un an, la Côte d’Ivoire a, une fois de plus, passé avec succès le test de l’organisation d’élections démocratiques à travers notamment la tenue du référendum constitutionnel du 30 octobre 2016 et des élections législatives du 18 décembre 2016. En dépit de quelques contestations relevées plus particulièrement avant la tenue du scrutin référendaire ainsi que quelques problèmes relevés dans certains bureaux de vote au cours des élections législatives, le Peuple de Côte d’Ivoire, a voté dans la paix et le calme. La validation des résultats finaux par la Cour constitutionnelle s’est également faite de manière ordonnée et dans un climat de paix. L’ensemble des missions d’observation (nationales, régionales et internationales) ont conclu que les résultats du vote ont reflété la volonté des électeurs et que l’organisation du référendum et des élections législatives a été transparente et crédible.

 

3.         Permettez-moi de saisir l’occasion de la présente réunion du Conseil de Sécurité pour féliciter encore une fois le Peuple de Côte d’Ivoire pour sa détermination à maintenir un environnement paisible tout au long du processus. Je félicite également les autorités nationales, y compris la Commission Electorale Indépendante pour l’organisation de ces deux processus sans incidents majeurs. Je salue enfin les forces de sécurité qui ont assumé leur rôle de sécurisation du processus électoral avec équilibre et efficacité.

 

4.         Comme je l’ai fait avant la présidentielle d’octobre 2015, j’ai, au cours de la période qui a précédé le référendum constitutionnel et les élections législatives, dans le cadre de mon mandat de bons offices, encouragé l’ensemble des acteurs,  à maintenir l’environnement paisible propice à la tenue des consultations électorales prévues. Ce qu’ils ont fait. Les femmes de Côte d’Ivoire ont plus particulièrement pris une part active dans la promotion et la mise en œuvre d’une approche non partisane privilégiant  l’intérêt national. Entre l’élection présidentielle de 2015, le référendum de 2016 et les élections législatives,  elles ont activement pris part aux débats portant sur les questions sociales, économiques, sécuritaires et politiques. Un nombre important d’entre elles  se sont présentées aux récentes élections législatives, même si, à l’arrivée leur nombre s’est trouvé réduit à l’Assemblée nationale malgré la proclamation par la nouvelle Constitution de la parité,  ce qui augure d’une participation accrue des femmes dans les élections futures ainsi que dans les institutions publiques, entre autres. Je tiens donc à rendre hommage au Gouvernement, aux partis politiques de la majorité et de  l’opposition, à la société civile,  aux chefs traditionnels et religieux, aux leaders de communauté, ainsi qu’aux associations de femmes et de jeunes pour les efforts inlassables qu’ils ont déployés à cet effet.

 

5.         Monsieur le Président, la  nouvelle Constitution instituant la troisième République  et le  nouveau parlement représentatif issu des élections législatives inclusives, offrent à la Côte d’Ivoire l’opportunité et l’occasion de consolider pleinement les acquis et de s’inscrire dans la perspective d’une stabilité à long terme surtout si les dispositions sont prises pour que les retombées de la reprise économique observée depuis la crise post-électorale de 2010-2011, atteignent les populations et leur permettent de bénéficier pleinement des dividendes de la croissance. Par ailleurs, la réconciliation nationale progresse beaucoup plus lentement que la croissance économique mais des avancées notables peuvent être relevées. Il s’agit d’une part, de la publication du rapport la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation, tel que précédemment recommandé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2226 (2015), marque une avancée notable dans le processus de réconciliation nationale et d’autre part, de la mise en place prochaine du nouveau Sénat qui pourrait donner un coup d’accélérateur à  la réconciliation nationale. En outre, la disposition du Gouvernement à poursuivre l’indemnisation des victimes des crises passées, le dégel des biens, la restitution des logements occupés ainsi que des mesures de grâce prononcées par le Président de la République lors de son message du nouvel an, en faveur de 2942 détenus, incluant certains prisonniers et détenus en rapport avec la crise post-électorale, contribuent également à cette dynamique positive. Néanmoins, les poursuites des auteurs présumés de crimes commis pendant la période postélectorale restent encore timides. A cet égard, pour la stabilité à long terme de la Côte d’Ivoire, il est crucial que les enquêtes soient conduites à terme avec célérité afin de créer les conditions pour juger toutes les personnes  qui seront reconnues coupables d'abus et de violations graves des droits de l'homme sans préjudice de leur appartenance politique. Sur un autre plan, la lenteur des poursuites des auteurs présumés d’abus sexuels et de violences basées sur le genre, ainsi que la prise en charge des victimes, malgré les efforts en matière de prévention fournis au cours de ces dix dernières années reste préoccupante. L'instruction des plaintes dans les délais requis est essentielle afin d’assurer la prise en charge et la sécurité des victimes qui représentent les  personnes les plus vulnérables de la société à savoir les femmes et les enfants.

 

6.         Distingués membres du Conseil, la police nationale, la gendarmerie et les forces armées de Côte d’Ivoire ont, malgré les défis et les contraintes, sécurisé de façon efficace le référendum et les élections législatives. Il est vrai que certains éléments des forces armées se sont mutinés en janvier pour réclamer des émoluments et l’amélioration de leurs conditions de vie. D’autres éléments appartenant à la gendarmerie, aux  gardes pénitenciers, aux pompiers ont tenté de suivre le mouvement en formulant les mêmes revendications. Ces mutineries ont révélé que des efforts  doivent encore être faits pour l’amélioration des conditions de vie des soldats et la mise en place d’une armée professionnelle. La mise en œuvre urgente de la loi portant organisation de la défense et des forces armées de Côte d’Ivoire adoptée en 2015, la loi de programmation militaire 2016-2020 et la loi de programmation de la sécurité intérieure 2016-2020 devrait  apporter une solution définitive aux revendications exprimées. La mutinerie de janvier est semblable à celle du 18 novembre 2014 : a) les modes opératoires étaient similaires ;  b) les revendications étaient similaires ; c) les deux situations ont été résolues de la même manière à travers un accord négocié ; d) aucun militaire n’a été sanctionné pour insubordination. L’application des dites lois est donc essentielle pour la transformation du secteur de sécurité y inclus les aspects relatifs au professionnalisme et à la responsabilité.. Il est de ce fait essentiel que le gouvernement de Côte d’Ivoire continue d’accorder la priorité à la réforme du secteur de sécurité - militaires gendarmes et police - ainsi qu’à la réinsertion durable des ex-combattants, avec l’accompagnement les partenaires bilatéraux et multilatéraux.

 

7.         Monsieur le Président, la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire est stable. Les institutions  nationales chargées de la sécurité  ont démontré leur capacité à prendre en charge de façon efficace et équilibrée les menaces sécuritaires latentes tant au plan interne qu’externe. Toutefois des défis subsistent quant à l’équipement adéquat et au financement des agences chargées de l’application de la loi. Les violations des droits de l’homme relevées ces cinq dernières années  ont enregistré une tendance à la baisse. Au cours des deux dernières années, la Mission a soutenu la Commission nationale des Droits de l’Homme de Côte d’Ivoire à travers un appui institutionnel et le renforcement des capacités pour consolider les compétences nationales et locales en matière de suivi, d’investigation et de rapportage des violations et abus des droits de l’homme comme établi dans la législation nationale et conformément aux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par la Côte d’Ivoire. Afin de lui permettre de prendre la relève notamment en ce qui concerne le suivi et la mise en œuvre du mécanisme conjoint ONUCI et Forces Armées  de Côte d’Ivoire, institué le 24 août 2015 qui a pour objectif de rapidement prendre en charge toute allégation de violations des droits de l’hommes commises par les soldats des FACI.

 

8.         Depuis l’adoption de la résolution 2284 (2016), nous avons travaillé étroitement avec le Gouvernement, l’Equipe pays des Nations unies et les partenaires clés pour développer un plan de transition l’ONUCI. Ce dernier a été formellement endossé par les acteurs concernés, le 17 octobre 2017. Ce plan de transition identifie des priorités résiduelles à travers six domaines clés : la cohésion sociale ; les Droits de l’homme ; la Réforme du Secteur de la Sécurité ; la Démobilisation, le Désarmement et la Réintégration, la gestion des armes et le désarmement civil ; la Défense, la sécurité et le maintien de l’ordre ; la communication notamment le transfert d’ONUCI FM, transfert pour lequel je salue l’engagement de la partie ivoirienne qui ne ménage aucun effort pour qu’il s’effectue dans le respect des recommandations formulées par les Nations Unies. Ce plan identifie également les partenaires pour la mise en œuvre ainsi que les ressources requises. Le transfert de ces fonctions prioritaires au Gouvernement, à l’Equipe de pays des Nations unies et aux autres partenaires est à ce jour, quasiment terminé. Parallèlement, la mise en œuvre des  activités  prévues dans le  plan de clôture définitif de l’ONUCI, prévue le 30 juin 2017 avancent bien comme programmé. Le personnel civil a graduellement été réduit. A la fin du mois d’avril 2017, il ne restera plus que 159 civils dont 148 seront exclusivement chargé de la clôture physique de la mission ; l’ensemble des bureaux de terrain (civils militaires et de police) qui étaient au nombre de 61 au départ seront totalement fermés à la date du 15 février prochain. Les actifs de la Mission sont en cours de liquidation conformément au plan élaboré et approuvé par le quartier général de l’ONU. Le 15 février, la majorité du personnel en uniforme aura définitivement quitté la Mission.

 

9.         Distingués membres du Conseil, des étapes importantes ont été franchies sur le plan politique avec notamment  l’organisation du référendum et des élections législatives dans un environnement apaisé. Économiquement, le pays poursuit ses avancées dans le domaine des travaux d’infrastructures. Il y a un accroissement des investissements étrangers directs. Toutefois, il est important de garder présent à l’esprit que des défis qui requièrent encore l’attention et l’investissement des populations et du Gouvernement ivoirien, avec l’accompagnement de leurs partenaires subsistent:  Il s’agit notamment de la réconciliation nationale qui doit être résolument poursuivie,  de la justice transitionnelle qui devra être accélérée, du  secteur de la sécurité qui doit être complètement réformé conformément aux lois en vigueur et des ex-combattants qui doivent être réintégrés durablement et des améliorations additionnelles qui sont nécessaires au niveau des droits économiques, sociaux et culturels des populations afin d’éviter les revendications intempestives et les paralysies engendrées par les grèves des fonctionnaires et les manifestations diverses. Ces différents défis, pris individuellement ou communément, ont une incidence certaine sur la marche de la Côte d’Ivoire vers une paix et une stabilité durables.

 

10.       Le départ de l’ONUCI est imminent. Ce n’est plus qu’une question de mois. Quatre mois. Permettez-moi de saisir cette opportunité pour traduire toute mon appréciation et toute mon admiration au Peuple ivoirien et au Gouvernement de Côte d’Ivoire pour leur engagement résolu à tourner définitivement la page de la crise et à poursuivre un avenir de paix et de prospérité partagée. Je voudrais également lancer un appel aux partenaires de la Côte d’Ivoire pour qu’ils  poursuivent leur appui aux efforts déployés par les ivoiriens, mais aussi et surtout, à très court terme pour qu’ils accompagnent la mise en œuvre du plan de transition en finançant les activités identifiées pour consolider les acquis du maintien de la paix obtenus par l’ONUCI pendant ses quatorze années de présence en Côte d’Ivoire. C’est seulement à ce prix-là que l’intervention des Nations Unies en Côte d’Ivoire à travers l’ONUCI sera  une « success story » à tous points de vue. Pour toutes ces questions, Monsieur le Président, un soutien conjugué du Conseil de Sécurité, des Etats Membres, des partenaires internationaux et de l’équipe pays du Système des Nations-Unies demeure essentiel pour que la Côte d’Ivoire s’inscrive définitivement sur la voie d’une paix et d’une stabilité durable.

 

11.       Je voudrais saisir cette opportunité pour remercier les pays contributeurs de troupes et de police pour leur appui aux Nations Unies au service de la paix et de la sécurité. Je félicite les forces de l’ONUCI pour leur courage et leur engagement. Elles ont joué un rôle crucial pour avoir permis ces progrès. Permettez-moi aussi de rendre hommage aux personnels civils et militaires qui ont fait le sacrifice ultime au service de l’ONUCI.

 

12.       Monsieur le Président, Distingués membres du Conseil de sécurité, je voudrais vous remercier encore pour votre soutien inestimable. Je vous remercie pour votre aimable attention.

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