Cérémonie d’ouverture du Séminaire international sur la participation des femmes aux processus de paix dans l’espace francophone : allocution de la Représentante spéciale

17 nov 2016

Cérémonie d’ouverture du Séminaire international sur la participation des femmes aux processus de paix dans l’espace francophone : allocution de la Représentante spéciale

(Abidjan, le 17 novembre 2016)

 

Madame la Ministre de la Promotion de la Femme, de la Famille et de la Protection de l’Enfant,

Madame la Ministre de la Solidarité et de la Cohésion Sociale et de l’Indemnisation des Victimes,

Mme la Chargée de programme de l’OIF,

Madame la Directrice de la division Gouvernance à ONU Femmes à New York,

Mesdames et messieurs les Chefs de missions diplomatiques,

Madame la représentante de l’Union Africaine,

Mesdames et messieurs les Chefs d'agences des Nations Unies,

Mesdames et messieurs les Représentants des organisations de la société civile,

Chers collègues des missions et opérations de paix et du Système des Nations Unies,

Distingués invités,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

C’est avec un grand intérêt que je prends part au séminaire international, sur « la participation des femmes aux processus de paix dans l’espace francophone » et je vous remercie de l’honneur qui m’est fait de prendre la parole, ce matin à cette cérémonie d’ouverture.

Avant tout propos, permettez-moi d’adresser, en mon nom personnel et au nom de toute la famille des Nations Unies en Côte d’Ivoire, toutes mes félicitations au Gouvernement de Côte d’Ivoire qui abrite ce séminaire.

Je remercie également les deux entités organisatrices Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et ONU Femmes pour cette initiative en faveur de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes notamment dans les processus de paix des pays de l’espace Francophone d’Afrique.

Mesdames et messieurs,

L’organisation de ce séminaire intervient 16 ans après l’adoption de la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité. L’étude mondiale sur l’application de la Résolution 1325 (2000) « recommande à toutes les parties prenantes de renforcer leur action dans les cinq domaines essentiels pour la réalisation des changements envisagés dans la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité ».

Comme vous le savez, la Résolution 1325 constitue le socle des Missions de maintien de paix pour ce qui est de la prise en compte des femmes et du rôle qu’elles doivent jouer dans la résolution des conflits et dans les processus de paix.

En ma qualité de Chef de Mission de maintien de la paix, je voudrais ce matin, partager avec vous ce que l’ONUCI a fait ici en Côte d’Ivoire et terminer par quelques observations personnelles qui découlent du travail que nous avons fait depuis années, ici, en Côte d’Ivoire.

Donc, en ce qui concerne l’ONUCI, au moins trois des domaines essentiels, à savoir l’adoption  d’une planification soucieuse de la parité entre les sexes, la participation des femmes aux efforts de paix, la protection des droits fondamentaux des femmes et des filles pendant et après les conflits ont guidé l’action de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire.

En effet, depuis 2013, la Mission a relevé le défi de la parité hommes femmes au niveau de son recrutement et de la représentation des femmes aux postes de décisions. Nous sommes la seule Mission de maintien de la paix où la parité est respectée au niveau décisionnel. L’approche programmatique de l’ONUCI a systématiquement tenu compte du rôle des femmes dans la prévention, le règlement des conflits et la consolidation de la paix.

Le programme de cohésion sociale que nous avons mis en œuvre a été développé avec la pleine participation des femmes. La Ministre de la Cohésion sociale qui est présente, était, avant d’être nommée Ministre, Directrice du Programme national de la cohésion sociale et nous avons travaillé ensemble dans le cadre de la mise en œuvre de ce programme qui, je le répète, a assuré la participation et développé la pleine participation des femmes.

Nous mettons en œuvre, ainsi que les autres missions de la paix, le programme qui s’appelle Projets à impact rapide. Ce sont de petits projets de 25 mille dollars US chacun, que l’on donne aux communautés pour les accompagner dans la mise en œuvre des actions de cohésion sociale et de la paix. Pour ce qui concerne l’ONUCI, la majorité de nos projets à impact rapide au niveau communautaire, a soutenu des projets d’autonomisation des associations et coopératives de femmes. Les programmes de sensibilisation et de communication destinés à engager diverses audiences à la création et au maintien d’un environnement apaisé ont intégré les femmes de manière équitable afin de gagner en efficacité. 

Les comités de veille et de suivi des violences sexuelles à l’encontre des filles et de femmes, ont fonctionné dans les 20 bureaux de terrains de la Mission à travers tout le pays avec la participation des autorités locales et des organisations de la société civile.

Les femmes policières de l’ONUCI et leurs homologues de la Police ivoirienne ont mis en place un réseau Genre pour, non seulement s’assurer une meilleure présence des femmes policières dans les Missions de maintien de la paix en les outillant d’avantage afin de leur permettre de réussir les tests d’entrée dans la Police des Nations Unies mais également sur le terrain. Comme vous le savez, quand les femmes sont victimes des violences lors des conflits, elles sont plus à l’aise pour s’adresser à des femmes policières. Nous avons  installé des femmes policières au niveau des différents commissariats à l’intérieur du pays. En ce moment, avant que l’ONUCI ne quitte la Côte d’Ivoire, nous nous sommes assuré que des desks – Genre et violence – soient construits par la Mission au niveau de certains commissariats dans les zones les plus sensibles.

La Mission a également travaillé avec les organisations féminines de la société civile aux travers des plateformes pour les élections et des femmes des partis politiques, afin de permettre aux femmes de s’investir d’avantage dans les processus de dialogue politique, de réconciliation nationale, de justice transitionnelle, de promotion du respect des droits de l’Homme, de la réforme du secteur de la sécurité et du DDR (NDLR : Désarmement, démobilisation et réinsertion)

La dynamique d’ensemble a permis, tout au long des différentes étapes du processus électoral, d’aboutir à l’élection présidentielle de 2015 sans incidents, ni violence.

Mesdames et Messieurs,

Dans le cadre de notre mandat, l’ONUCI et les Nations Unies, ici en Côte d’Ivoire, ont accompagné les autorités nationales dans la formulation et l’adoption de stratégies destinées à mieux protéger les femmes et les jeunes filles dans les situations de conflits et dans les situations post-conflit.

La Stratégie nationale de lutte contre les violences sexuelles basées sur le genre, la création d’un Mécanisme conjoint de prévention et de réponse aux violences sexuelles et autres violations des droits de l’Homme au sein des Forces Armées de Côte d’Ivoire (FACI), la mise en place de réseaux « Genre et Réforme du secteur de la sécurité » au sein des Forces Armées de Côte d’Ivoire et l’admission des premiers élèves officiers femmes à l’Ecole nationale de Gendarmerie en 2015 ont marqué un tournant décisif, pour la prise en compte du genre en Côte d’Ivoire. L’accompagnement de l’ONUCI est intervenu dans tous ces domaines. Il y a trois ans, quand je suis arrivée ici, il y avait zéro femme dans la Gendarmerie. Donc personnellement, j’ai entrepris  la sensibilisation et les bons offices auprès des autorités et aujourd’hui, je pense que nous avons plus d’une cinquantaine de femmes à la Gendarmerie. L’ONUCI a contribué à construire les dortoirs pour les femmes pour qu’elles soient prises en compte de façon efficiente.

Je disais donc que toutes ces activités ont marqué un tournant décisif dans la prise en compte du genre dans les politiques de prévention des violences à l’égard des femmes et jeunes filles ainsi que dans les processus décisionnels en Côte d’Ivoire.

Mesdames et Messieurs,

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Résolution 1325, beaucoup a été fait, notamment sur le plan normatif. Il est vrai que certain pays n’ont pas encore adopté les plans d’actions. Il est vrai aussi que des défis subsistent encore comme l’indiquent les objectifs spécifiques du présent séminaire. Il est vrai que nous devons relever ces défis. Mais pour moi, relever ces défis, implique d’abord et avant tout, notre engagement soutenu. Notre engagement à transformer, au-delà de nos rencontres assorties de litanies de recommandations difficilement mises en œuvre ; transformer, disais-je, l’éventail des opportunités politiques, juridiques et économiques en actions concrètes. C’est possible ! Dans le cadre de la mise en œuvre de notre mandat, nous l’avons fait en Côte d’Ivoire. Nous avons mis l’accent sur des actions de proximité qui prennent en compte les femmes victimes de conflits et les femmes en zone de conflit, qui ne sont pas toujours présentes dans nos forums.

Par exemple, aujourd’hui, moi j’aurais souhaité que des femmes que la Ministre et moi-même connaissons, des femmes qui ont pris part au niveau local, au processus de retour de la paix et de cohésion sociale, puissent être ici, pour partager leur expérience avec nous.  

Donc, nous l’avons fait et en le faisant, nous avons pu, non seulement les accompagner mais encore en faire des vecteurs efficaces pour la promotion des droits, de la cohésion sociale et de la paix dans leurs communautés. Nous l’avons fait partout sur le territoire ivoirien. Personnellement, j’ai parcouru 45000 km en trois ans en Côte d’Ivoire pour aller parler aux femmes, pour parler aux communautés. Partout où nous avons été, dans les localités de Logouata, Néko, Bayota, Ouragahio et je peux en citer…Et partout où nous avons été, des femmes leaders insoupçonnées et médiatrices naturelles ont émergé et ont fait évoluer, de façon conséquente, la paix sociale et le vivre ensemble dans leurs communautés.

Mon plaidoyer, aujourd’hui, est que ces femmes continuent à être soutenues après le départ de l’ONUCI. Après le départ de l’ONUCI, il est essentiel que ce réseau des femmes puisse être soutenu en tant que  composante essentielle de la consolidation des acquis du maintien de la paix en Côte d’Ivoire. L’expérience de la Côte d’Ivoire peut être transposée partout en Afrique et surtout dans l’espace francophone.

Le faire contribuera, sans nul doute, à l’avènement d’une Afrique exempte de conflits et résolument engagée dans le développement économique et social dans lequel les femmes, comme le disait Mao Zedong, ancien Président de la République populaire de Chine, « soutiennent leur moitié du ciel » ; c’est à dire joueront le rôle qui est le leur. C’est plus à ce niveau qu’au niveau normatif que des moyens adéquats doivent être injectés pour faire avancer, de façon résolue, la question de la participation efficiente des femmes francophones dans les processus de paix et de sortie de crise et de permettre aux femmes d’être reconnues sur le terrain de la médiation dans l’espace francophone.

L’ONUCI quittera la Côte d’Ivoire en juin 2017. L’Equipe pays, les Agences et les Fonds des Nations Unies resteront présents dans le pays et continueront d’accompagner les efforts nationaux de promotion de la participation des femmes aux processus de paix.

Mesdames et Messieurs, telle est ma modeste contribution dans l’identification des actions concrètes pour la pleine participation des femmes de l’espace francophone dans les processus de paix et de sortie de crise, pour mieux investir les domaines de la médiation, et pour endiguer les cycles de violences afin de léguer à nos enfants une Afrique paisible et prospère.

Je vous souhaite plein succès dans vos délibérations. Je vous remercie pour votre aimable attention.

 

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